beaucoup d'articles sur la Lorraine, voilà un
Quand Lavilliers chantait la « Fensch Vallée »Retour sur les liens qui se sont tissés entre la vallée de la Fensch et le seul chanteur à avoir dédié une chanson à ce coin de Lorraine : Bernard Lavilliers !
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En 1976, Bernard Lavilliers s’installe pour de bon dans le paysage de la chanson française avec un album intitulé « Les barbares ». Sur ce disque figure une chanson qui n’est pas restée inaperçue, surtout en Lorraine : « Fensch vallée » ! Quelle mouche avait bien pu piquer le chanteur ce jour-là ? Ce n’est pas tous les jours qu’on compare la vallée de la Fensch à un Eldorado. Et ce n’est pas tous les jours qu’un chanteur écrit une chanson sur un coin de Lorraine plutôt dédaigné. Déjà à cette époque, Lavilliers, poète-baroudeur, mêlait musiques du monde et textes néo-réalistes, désir de voyage et une poésie sociale que son « maître » Ferré n’aurait pas reniée. A l’instar du Brésil, du Liban, de la Jamaïque et de l’Afrique, la vallée de la Fensch figure donc au nombre des régions du monde qui l’auront inspiré. Lorsqu’en 1976 sort l’album « Les Barbares », Lavilliers bourlingue dans la chanson depuis une petite dizaine d’années, tout en vivant de petits boulots. Ce disque va être celui de la consécration. C’est même l’année suivante qu’il fera son premier Olympia. Mais la route fut longue pour en arriver-là…
"Je viens de l'acier"
Né dans le Forez en 1946, Lavilliers a débuté à 16 ans comme tourneur sur métaux à la Manufacture d’Armes de Saint-Etienne. C’est là que travaille son père, militant communiste et ancien résistant. Pour l’ambiance, le Forez n’a rien à envier à la Fensch. A l’occasion d’un récent passage à Yutz en 2009, il déclarait à nos confrères du Républicain Lorrain : « Je suis le seul chanteur au monde à avoir chanté la Fensch. Certains trouvent ce paysage affreux, mais pas moi. Je trouvais que cela ressemblait sensiblement à Saint-Etienne. » On comprend mieux son intérêt pour ce « vieux pays pas très connu[où] il n’y a pas de touristes dans les rues » et où « le nom des patelins se termine par -ange ». La classe laborieuse et le militantisme, Lavilliers a connu. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la sidérurgie lorraine tourne à plein régime. Il faut reconstruire le pays et on embauche à tour de bras. Les observateurs de l’époque parlent alors de ce coin de Lorraine comme d’un « Texas français » ! Un pays où les arrivants viendraient chercher fortune… l’Eldorado chanté par Lavilliers ? La demande conjoncturelle impose un rythme phénoménal (« ici la cadence c’est vraiment trop, ici il n’y a pas de place pour les manchots »). Et si on est sûr de trouver du travail, les accidents ne sont pas rares (« y a moins de chevaux et de condors, mais ça fait quand même autant de morts »). Mais la concurrence étrangère moins chère, la progression du pétrole comme source d’énergie et le manque de modernisation des exploitations vont plonger la Lorraine dans la crise à la fin des années 60, crise qui se soldera par la lente fermeture des sites.
La vallée des "anges"
Avant de chanter la Fensch, Lavilliers avait eu un premier contact avec la Lorraine : parti à 18 ans pour le Brésil à un âge où on fait plutôt son service militaire, il avait été rattrapé par les autorités et avait écopé d’un an d’emprisonnement pour insoumission, une peine effectuée à la prison de… Metz. Est-ce à l’occasion de ce « voyage » qu’il aurait découvert la Fensch ? La légende voudrait que Lavilliers ait vécu en Lorraine et travaillé dans les usines de la région. C’est peut-être exagéré. Assurément, il y a passé du temps. A ses débuts, il se produit souvent dans la région, en particulier par le biais du réseau des MJC et des cafés-concerts qui était déjà très important, certainement dû à la forte tradition ouvrière. Rien de tel pour gagner un public, et un public qui lui est encore fidèle aujourd’hui. D’ailleurs, d’autres allusions à la région parsèment son répertoire. en 1975, il chantait déjà « le Buffet de la gare de Metz » (sur l’album « Le Stéphanois »). Toujours sur l’album « les Barbares » (dont le morceau-titre parle aussi d’ouvriers et de hauts-fourneaux), « Berceuse pour une shootée » évoque le décès d’une héroïnomane rencontrée par Lavilliers à Metz. Voir à ce sujet les images du concert donné à Hagondange en 1998.
« Envoyé Spécial »
Mais surtout, les liens entre Lavilliers et la Fensch ont perduré ! En 1991, Lavilliers vient chanter au moment des luttes contre la fermeture du dernier haut-fourneau d’Uckange. En 2001, sur l’album « Arrêt sur image », on trouve une chanson intitulée « Les mains d’or » que Lavilliers dira avoir écrit « après avoir vu des fermetures d’usines à Uckange, en Moselle. Des mecs de 45 ou 50 balais se retrouvaient avec des maisons à payer, des enfants toujours à l’école, ils finissaient chez eux, blessés, humiliés… » Enfin, en 2005, la vallée a encore droit à un joli coup de projecteur. La célèbre émission « Envoyé Spécial » consacre un long-portrait à Lavilliers et prend, pour cadre, les hauts-fourneaux de la vallée et sa rencontre avec le public à l’occasion d’un concert mémorable à… la Passerelle ! Chanson qu’il interprète quasi-systématiquement lorsqu’il passe dans la région, « Fensch Vallée » résonne définitivement comme le plus bel hommage qui sera jamais rendu à une population et à son histoire.
Le reportage d’Envoyé Spécial du 23 juin 2005
« Fensch Vallée »
Viens petite soeur au blanc manteau Viens c'est la ballade des copeaux Viens petite girl in red blue jean Viens c'est la descente au fond de la mine Viens donc grand shootée du désespoir Viens donc visiter mes laminoirs Viens donc chevaucher les grands rouleaux Et te coincer la tête dans un étau Viens petite femme de St-Tropez Nous on fume la came par les cheminées Et si le bonheur n'est pas en retard Il arrive avec son gros cigare Viens dans ce pays Viens voir où j'ai grandi Tu comprendras pourquoi la violence et la mort Sont tatoués sur mes bras comme tout ce décor Pour tout leur pardonner et me tenir tranquille Il faudrait renier les couteaux de la ville Viens petite bourgeoise demoiselle Visiter la plage aux de Wendel Ici pour trouver l'Eldorado Il faut une shooteuse ou un marteau La vallée de la Fensch ma chérie C'est le Colorado en plus petit Y'a moins de chevaux et de condors Mais ça fait quand même autant de morts Ma belle femelle de métal Je t'invite dans mon carnaval Ici la cadence c'est vraiment trop Ici y a pas de place pour les manchots Viens dans mon pays Viens voir où j'ai grandi Tu comprendras pourquoi la violence et la mort Sont tatoués sur mes bras comme tout ce décor Pour tout leur pardonner et me tenir tranquille Il faudrait renier les couteaux de la ville Tu ne connais pas, mais t'imagines C'est vraiment magnifique une usine C'est plein de couleurs et plein de cris C'est plein d'étincelles surtout la nuit C'est vraiment dommage que les artistes Qui font le spectacle soient si tristes Autrefois y'avait des rigolos Ils ont tous fini dans un lingot Le ciel a souvent des teintes étranges Le nom des patelins se termine par « …ange » C'est un vieux pays pas très connu Y'a pas de touristes dans les rues Viens dans mon pays Viens voir où j'ai grandi Tu comprendras pourquoi la violence et la mort Sont tatoués sur ma peau comme tout ce décor Pour tout leur pardonner et me tenir tranquille Il faudrait renier les couteaux de la ville Viens petite soeur au blanc manteau Viens c'est la ballade des copeaux Viens petite girl in red blue jean Viens c'est la descente au fond de la mine Viens c'est la descente au fond de la mine
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