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Blog créé le 06/12/2009

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Qui était parti depuis bien longtemps voguer sur tous les océans du globe. Au cours de ses voyages, il en avait vu des paysages fantastiques avec des arbres de toutes les couleurs, senti des odeurs merveilleuses qu’il ne connaissait pas auparavant…

Au cours de ses voyages, il en avait entendu de jolies mélodies chantées par des oiseaux rouges, bleus et verts….
Mais aujourd’hui, après toutes ces années de pérégrinations sous toutes les latitudes, c'était l’heure de rentrer au port. Les hommes lui avaient promis des réparations pour toutes ses petites avaries, un nouveau calfatage, de nouvelles voiles…. Le petit bateau de pêche allait enfin pouvoir se reposer de ses longs voyages.
Les sirènes lui dégagèrent le passage, conscientes qu'elles étaient des voyages qu'il avait effectués en voyant toutes les sortes de coquillages accrochés à sa coque. Lorsqu'elles jugèrent qu'elles étaient trop près des côtes, elles le laissèrent non sans s'être assurées d'abord qu'il ne risquait plus rien.
Poussé par une brise amicale, le petit bateau de pêche s'avançait lentement, heureux de reconnaître un paysage de plus en plus familier : l'entrée de la baie, sa baie, les petites maisons bleues et blanches du port, alignées comme des majorettes le jour de la fête nationale quand tout le monde était heureux de se retrouver ensemble, les pontons où les caisses de poissons et d'épices étaient déchargées.
Les chantiers navals tout proches emplissaient l'air d'une odeur de bois frais qui lui rappela sa propre construction... son enfance auraient dit les hommes.
L'eau de la mer était si transparente ici que l'on voyait facilement les rochers aux mille formes qui recouvraient le fond et se découvraient à marée basse lorsque les bateaux amarrés prenaient un bain de soleil allongés sur le sable.
Le petit bateau continuait à se rapprocher du port, aidé par un courant discret qui lui souhaita la bienvenue et se réjouissait de le revoir.
Sur les quais, des gens étaient là pour l'accueillir avec de grands signes de joie, heureux qu'ils étaient que le petit bateau de pêche ramène à bon port tous les marins qui étaient partis avec lui. Il avait fait de son mieux le petit bateau, il en avait affronté des coups de tabac, des creux de houle qui donnaient le vertige et des vagues effrayantes.
Mais là, désormais, c'était terminé. Il revenait, il arrivait enfin à sa place… la place qui était la sienne… dans ce si joli petit port…
Ses marins accrochèrent une corde d’amarrage à un des anneaux du port. Il pouvait maintenant se détendre complètement …. il était en parfaite sécurité derrière la grande digue, même si une tempête devait se lever.
Il était tellement heureux d’être enfin arrivé, qu’il sentit un grand calme l’envahir… de la cale jusqu'en haut du mât, de la proue à la poupe. C’était si bon de pouvoir arrêter de naviguer, de voyager…
C’était si bon de pouvoir enfin se reposer…
Le petit bateau regarda autour de lui, il découvrit de jolies choses et d’autres choses encore…. il sentit que les vaguelettes aussi l'accueillaient. Leur clapotis le berçait doucement, tout doucement, et il se laissa aller à rêver agréablement à tous les endroits où il était allé, à tout ce qu'il avait vu… il repensa à toutes les choses agréables qu’il avait faites, et très naturellement il laissa son esprit vagabonder…
Gentiment, bercé par les histoires que lui raconte le vent, il s'endort, sachant qu'après, lorsqu'il sera réparé, il pourra repartir vers de nouvelles aventures et de nouvelles choses, tant de nouvelles choses à découvrir.

Quand vous vous réveillerez les ami-e-s et la Family 
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici là bonne nuit faites de doux rêves en couleurs !




 La petite Soizic qui devait avoir 6 ans revenait par la forêt avec un énorme fagot sur les épaules. Un deux décembre tiens, comme aujourd’hui. Il neigeait et la nuit tombait.
Soizic se dépêchait car elle savait que sa famille avait besoin du bois qu’elle portait pour faire démarrer le feu dans la cheminée qui chauffait leur petite maison.
Tout à coup, elle entendit un gémissement sur le côté du chemin. La neige collait à ses sabots de bois et elle ne voulait pas s’arrêter, mais elle entendait maintenant clairement les pleurs d’un enfant sur le bas-côté.
Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Après tout, ce n’était peut-être pas très grave et elle pourrait rapidement repartir une fois qu’elle aurait vu de quoi il s’agissait. Elle s’approcha donc.
Là, dans les ajoncs, le long du chemin, elle découvrit un bébé, un tout petit bébé emmailloté dans des vieux linges et qui était déjà tout bleu à cause du froid. Soizic paniqua.
" Si je le laisse là il va mourir, pensa-t-elle, mais si je le prends avec moi je ne pourrais pas amener mon fagot et c’est toute ma famille qui risque de ne pas passer la nuit. Que faire ? "
À cet instant, une étoile filante passa dans le ciel et éclaira furtivement le visage du nouveau-né qui sembla lui sourire alors que la vie le quittait peu à peu.
N’écoutant plus que son cœur, Soizic déposa son fardeau et prit l’enfant dans ses bras en le serrant contre elle pour le réchauffer.
Lorsqu’elle revint à sa pauvre petite chaumière, ses parents commencèrent par lui reprocher de ne pas avoir ramené le fagot mais quand ils virent le petit bébé, ils comprirent et se turent.
La nuit était maintenant complètement tombée et toute la famille se serra afin d’essayer de tenir jusqu’au matin sans feu. Personne n’en voulait à Soizic et tous réchauffaient l’enfant trouvé à tour de rôle. Chose étrange :
contrairement au reste de la maisonnée, le bébé ne semblait pas souffrir du froid. Il gazouillait gaiement et brillait de plus en plus alors que la nuit avançait. La lumière qu’il dégageait était également source de chaleur et tout le monde vint finalement se réchauffer à son contact. La crainte de la nuit et du froid fit peu à peu place à une grande paix intérieure pour chaque membre de la famille.

Lorsque le clocher du village voisin sonna la minuit, le petit bébé se mit à flotter dans les airs et s’éleva jusqu’au centre de l’unique pièce de la chaumière.
Sous les yeux ébahis de Soizic et des siens, il grandit en un instant et se transforma en beau jeune homme à la chevelure blonde et bouclée avec deux grandes ailes blanches dans le dos.
— Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, dit l’ange car c’en était un. Petite Soizic au grand cœur ce soir tu as gagné ton Paradis, mais une longue et heureuse vie t’attend avant. Que désires-tu ?
— De la chaleur et du bonheur pour ma famille s’il vous plaît, répondit la petite.
— Et c’est tout ?
— Que peut-on souhaiter de plus ?
— Qu’il en soit donc ainsi.
Et l’ange fit un signe de la main.
Le petit sapin que le père de Soizic avait ramené pour fêter Noël se chargea de lumière et de bonnes choses à manger.
— Cet arbre du Paradis vous chauffera et vous nourrira jusqu’à la fin de vos jours, gardez-le précieusement.
Puis l’ange disparut.
Soizic et sa famille n’eurent plus jamais à souffrir ni du froid ni de la faim. Ils parvinrent à sortir de la misère et s'endormirent heureux ainsi, chaque soir, jusqu’à la fin de leurs jours.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-e-s ! 



Je suis merlin...

 03/04/2022

 le plus grand enchanteur de Bretagne.
J’ai érigé les pierres de Stonehenge à une époque où aucun humain n’avait encore foulé le sol anglais.
J’ai fait déterrer des dragons, aidé Arthur à devenir roi puis à créer la Table Rond et ses chevaliers.

Aujourd’hui est mon dernier jour d’homme libre.
Je suis amoureux de Viviane. Je vais lui apprendre mon dernier tour de magie et comme je connais l’avenir, je sais parfaitement qu’elle va l’utiliser contre moi.
Aujourd’hui est mon dernier jour d’homme libre.
Je le sais et je l’accepte. Mieux j’appelle mon destin de mes vœux car il n’y en a pas de plus doux que de se retrouver prisonnier de l’être aimé. Et j’aime Viviane, je l’aime plus que tout.
Moi Merlin, un des enchanteurs les plus puissants que la terre ait jamais porté, je vais me laisser emprisonner dans une prison d’air et de sommeil par une jeune donzelle qui a volé mon cœur dans la forêt de Brocéliande.
Son sourire me désarme. Je ne veux plus résister.
Elle m’offre son cœur à la condition de m’y laisser lier pour l’éternité. Je la vois déambuler autour de moi, accomplissant l’ultime rituel qui m’attachera à elle pour l’éternité.
La fatigue me gagne sous l’effet de la Magie, de sa Magie. Je vois plusieurs Viviane qui dansent autour de moi. La tête me tourne, les arbres aussi.
Une douce chaleur envahit mes pieds puis remonte vers mes genoux. J’ai l’impression d’être enraciné dans le sol. Une colonne de lumière se forme autour de Viviane et moi, nous isolant du monde extérieur.
Je ne sais plus si je vais m’endormir ou m’évanouir. M’endormir c’est bien. Je sais que je vais rêver de Viviane. La jeune fille peuplera mes rêves et nous serons unis à jamais, à l’abri de ce monde et de ses dangers.
La colonne de lumière devient un berceau où nous nous réfugions tous les deux. Viviane a cessé de courir et de danser autour de moi. La douce chaleur remonte jusqu’à mon cœur tandis que je m’allonge et que ma Dame du Lac fait de même à mes côtés.
Je baille et étire mes bras pour me préparer à la longue nuit qui vient, une nuit éternelle d’un amour fou, plus grand que le monde, plus grand que l’univers, plus grand que la Magie elle-même. Viviane s’endort rassurée par mes paroles.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici là bonne nuit les ami-e-s !




Un jeune garçon qui se prénommait Alan et vivait dans la plaine du Poher non loin de Carhaix. Alan profitait de l'absence de ses parents pour leur faire une surprise et nettoyer la maison familiale de fond en combles.

Il avait gardé le meilleur pour la fin, à savoir la cheminée. Il aimait les odeurs qu’elle dégageait, des odeurs de plusieurs arbres de la région, du feu froid et des cendres. Mais il venait de sentir également une autre odeur qu’il n’arrivait pas à identifier. Intrigué, il regarda autour de lui, tout en finissant de remplir le seau à cendres qu’il laisserait ensuite au milieu du jardin. Le vent ferait alors le reste. Quand il reviendrait le seau serait vide. La cendre se serait envolée aux alentours, pour participer au printemps et fertiliser les sols.
Alors qu'il terminait, il remarqua dans un coin de l'âtre, à l'abri sous un morceau de bois trop humide pour avoir brûlé, une châtaigne épargnée par les flammes. Une fois qu'il l' eut essuyée, elle fut aussi brillante que si il venait juste de la ramasser.
Il sourit, la mit dans le seau de cendres puis alla se coucher, heureux du travail accompli et réjoui par avance de la surprise agréable qu'il ferait à ses parents lorsqu'ils verraient la maison propre et rangée à leur retour le lendemain.
C'est vrai qu'ils furent surpris, mais Alan aussi.
Lorsqu'il ouvrit sa fenêtre le lendemain pour voir le soleil, il découvrit que sa maison était maintenant dans les branches d'un châtaignier géant qui avait poussé pendant la nuit. Tout en bas, ses parents lui faisaient de grands signes et lui criaient des choses qu'il n'entendait pas à cause de la hauteur.
Alan sortit dans les branches et commença à descendre. Ce faisant, il toucha le tronc du châtaignier. L’arbre vibrait légèrement. Alan laissa sa main sur l’écorce de l’arbre et celui-ci se mit à vibrer un peu plus rapidement. Une note très grave commença à résonner dans l’air limpide de cette journée d’été. Une note plus basse encore que le La le plus grave d’un piano. Alan leva les yeux. Le feuillage bruissait malgré l’absence de vent.
Il dut se rendre à l'évidence, l'arbre chantait.
Le garçon termina sa descente et avoua à ses parents qu'il ne comprenait pas ce qui avait bien pu se passer. Ce n'est que lorsqu'il vit au pied de l'arbre, des morceaux du seau incrustés dans l'écorce qu'il comprit que c'était la châtaigne qu'il avait mis dans le seau de cendres qui était à l'origine de cet arbre gigantesque.
Un visage apparut alors sur l'énorme tronc et lui sourit. Comme Alan et ses parents restaient bouche bée, le visage d'écorce parla :
– Vous devriez fermer la bouche ou vous allez gober des mouches.
– Mais qui êtes-vous ? demanda Alan.
– Ben un châtaignier. Tu n'as pas l'air très doué en botanique toi dis-donc !
– Je ne comprends pas, répondit Alan piqué au vif. Vous êtes la châtaigne que j'ai trouvée dans la cheminée et que j'ai mis dans le seau hier soir ?
– Tout à fait !
– Mais comment est-ce possible ? Comment avez-vous pu pousser si vite ?
– C'est très simple, j'étais tellement contente d'avoir échappé aux flammes de la cheminée que lorsque tu m'as mise dans le seau, j'ai décidé de pousser le plus vite et le plus fort possible pour ne pas finir en marron chaud. Et voilà !
– Voilà, voilà, c'est vite dit. Vous avez arraché notre maison du sol et elle est coincée dans vos branches, dit le père.
– Bah de quoi vous plaignez-vous ? répondit le visage d'écorce. La mode n'est-elle pas aux cabanes dans les arbres ? Je vous ai rendu service.
– Vous plaisantez ! dit la mère. Elle est tellement haute que c'est devenu dangereux de rentrer chez nous. Il faudrait être un professionnel de l'escalade.
– Qu'à cela ne tienne, dit l'arbre qui entremêla ses branches pour former un joli escalier en bois avec une rambarde depuis le sol jusqu'à la maison. Cela vous convient-il maintenant ?
Alan et ses parents durent bien convenir que c'était plus pratique ainsi. Ils auraient désormais la chance de vivre dans la cabane arboricole la plus haute de la région. Et depuis ce jour, tous les soirs, ils s'endorment bercés par les oiseaux qui chantent pour leurs propres petits dans leurs nids sur les branches voisines de la leur.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes et tous !




Le lendemain de Noël, jour de la Saint-Étienne, avait lieu la fête du Couignowa (des étrennes). Dès l'aube, petits garçons et petites filles parcourent les chemins et les villages en criant à tue-tête : Couignowa! Couignowa! Ils visitent les parents et les amis, surtout le parrain et la marraine, à qui ils souhaitent ce jour-là la bonne année.

" Er blavez mad a souc'hetan d'ec'h; yehet ha presporitez, acar baradoz 'r fin ho puez. " ce qui veut dire " Je vous souhaite une bonne année, une parfaite santé, et le paradis à la fin de votre vie. "
En échange de ces souhaits, les enfants reçoivent leurs étrennes, leurs Couignowa, qui consistent en petits gâteaux (couign), en pommes et en autres fruits. Les grands parents, les parrains et marraines y joignent quelque menue monnaie.
Pourquoi ce nom de couign que l’on retrouve dans couign aman ?
Les fours dans lesquel on cuisait le pain étaient primitivement carrés. C'étaient des espèces de grandes cheminées analogues aux hauts-fourneaux d'autrefois et ouverts par le haut pour laisser passer la fumée. Les angles du foyer, ne pouvant être parfaitement couverts par les grands pains ronds, on les garnissait ordinairement de petits pains qui en tirèrent leur nom et qui étaient destinés aux enfants. Angle ou coin se traduit en breton par couign. Les couign ou petits pains étaient
donc des pains cuits dans les angles, les coins des fours.
De couign on a fait couignoa, couignowa, littéralement chercher des couign. Couignowa, le verbe, est devenu ensuite le nom couignowa, qui signifie étrennes.(Mes étrennes, ma c'houignowa.)

 




Nedeleg Mad

 25/12/2021

joyeux Noël à toutes et tous

En espérant que vous serez très peu à lire ce message, occupés à profiter de vos familles en vrai ou à distance. On vous envoie plein de bonnes choses. Nous, nous allons nous passons le réveillon, Noël et le lendemain de Noël en famille
Sur la baie de Douarnenez pour voir si pendant la messe de minuit :
- la ville d'Ys ressurgit des flots
- l'eau des rivières se change en vin
- les pierres levées s'animent et quittent leur emplacement
- les animaux parlent
Comme vous pouvez le constater, on a du boulot.
Encore joyeux Noël à toutes et tous et merci de suivre notre blog. 🙂




vivait un homme si méchant et si dur que les enfants du coin l’avaient surnommé « Cœur de granit ». Sa maison était la dernière du village et ses volets étaient toujours clos. Quand l’hiver arrivait, il passait ses journées à compter l’argent que ses récoltes lui avaient rapporté. Il ne voyait pas l’utilité de dépenser quoi que ce fut pour illuminer sa demeure, alors seule une bougie éclairait ses pièces d’or ; le reste de la maison était plongé dans l’obscurité. Tout le monde fuyait « Cœur de granit ». Parfois, le fait de rester tout le temps tout seul lui donnait un pincement au cœur, mais il l’oubliait très vite. Les oiseaux ne chantaient jamais au-dessus de sa maison. Même la neige semblait hésiter à déposer ses blancs flocons.

La veille de Noël arriva. Au village, toutes les rues étaient illuminées. Le soir, malgré la neige et le froid, les enfants voulurent aider leurs parents à décorer le grand sapin qui trônait sur la place. Ils attendaient avec impatience le moment où ils verraient l’étoile scintiller au sommet de l’arbre.
Soudain, l’étoile fut là, belle et lumineuse. « Oh ! dirent les enfants, que c’est beau ! »
Les façades des maisons se mirent à briller.
Les cinq branches de l’étoile s’étiraient pour rayonner davantage encore, tant et tant que leurs rayons se faufilèrent entre les volets de la maison de « Cœur de granit ».
Ébloui, il hurla : « Mais que se passe-t-il donc ? » La lumière éclairait ses murs gris. « Mon Dieu, que ma maison est triste ! », se dit-il. « Cœur de granit » s’aperçut alors que personne n’y venait jamais et que son argent ne lui servait à rien. Le pincement au cœur qu’il éprouvait parfois survint avec une telle force qu’il balaya tout sur son passage et le vieil homme se mit à pleurer. Cela ne lui était jamais arrivé.
À ce moment-là, il entendit des pas dehors.
Guidés par l’étoile, les enfants venaient le voir, un peu inquiets. Lorsqu’ils poussèrent la porte de sa maison, ils découvrirent des larmes dans les yeux de celui qu’ils appelaient « Cœur de granit ». L’homme avait levé la tête. Il lui semblait que c’était la première fois qu’il voyait ces enfants. Il les invita à entrer.
Alors, l’étoile se retira doucement pour aller éclairer d’autres maisons tristes.
Mais l’homme garda en lui cette lumière. Il réalisa que, l’âge venant, son trésor ne lui servirait à rien s’il ne pouvait en faire profiter les autres. C’est pourquoi il arpenta le village pendant la nuit et le lendemain matin, tous les habitants trouvèrent une pièce d’or devant leur porte. Et quand l’homme revint dans sa demeure, les oiseaux chantèrent pour lui au-dessus de sa maison tandis qu'il se couchait dans son lit tout chaud d'une chaleur inhabituelle, celle de son coeur.

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Le 21 Décembre...La fête d’Yule , le Noël Celte.

Noël est à l’origine une fête païenne celte, pour célébrer le solstice d’hiver, appeler : fête d’Yule.
Noël est une fête symbolique dont les artéfacts sont avant tout païens.
La Bûche de Noël par exemple était à l’origine une véritable bûche, bien souvent en chêne. Dans les temps anciens, elle était conservée tout au long de l’année dans un endroit sacré. Cette bûche représentait le feu sacré, la lumière de la Terre.
La tradition explique que la bûche traditionnelle devait bruler pendant 12 heures, pour porter chance.
Maintenant que bien des maisons n’ont plus de foyer pour brûler la bûche, celle-ci prend place sur la table, en gâteau roulé.
C’est un pâtissier parisien qui eu l’idée de faire une bûche pâtissière puisque les habitations ne comportaient plus de cheminée.
Le symbole de la bûche a aussi évolué vers l’arbre de Noël sur lequel on plaçait des bougies allumées plutôt que de le brûler .
Les différentes religions du christianisme essaient de s’approprier cette tradition.
Les protestants clament que Martin Luther a inventé cette tradition et les catholiques prétendent que c’est Saint-Boniface.
La coutume existait déjà au temps des Saturnales romaines et même dans l’ancienne Égypte.
L’arbre choisi devait être coupé et non acheté. Lorsque le temps était venu, l’arbre (le sapin) devait être brûlé comme une relique sacrée pour réchauffer l’âme et non le corps.
Yule proviendrait d’un mot scandinave associé à l’hiver. La fête s’observe en commémorant la mort du « Holly King » (Roi de houx) qui meurt tué par son successeur le « Oak King » (Roi de chêne). Ce sont tous deux des dieux-arbres. On retrouve aujourd’hui à Noël les couronnes de gui, une idée reprise par le christianisme. Les symboles de Noël sont inspirés de cette fête (sapins, gui, houx et cadeaux…).
La fête d’Yule est associé à la naissance de bon nombre de Dieux paîens et héros de touy horizons. On retrouve : Oedipe, Thésée, Hercule, Persée, Jason, Dionysos, Apollon, Mithra, Horus et même le roi Arthur.
Beaucoup de légendes possèdent une histoire semblable à celle de Jésus. La nativité, la mort et la résurrection. Beaucoup sont les aînés de Jésus Christ .
Si nous revenons sur l’histoire de la bible, la tradition était établie que Marie avait donné naissance le 25 du mois, mais personne ne s’accordait pour savoir de quel mois il s’agissait. Finalement en 320 de notre ère, Les pères Catholiques de Rome décidèrent de placer la fête en décembre, dans un effort pour éradiquer la célébration Mithriaque des romains et la célébration de Yule des celtes et saxons. L’Église romaine n’a jamais prétendu que la date était historiquement valable, car les bergers ne déplacent pas les troupeaux vers les hauts pâturages en plein milieu de l’hiver, et de nuit en plus! Le nouveau testament donnerait plutôt comme référence pour la naissance de Jésus quelque part au printemps. C’est aussi au printemps que les brebis vêlent et que les bergers restent près du troupeau pour s’assurer de leur sécurité, même la nuit. C’est pourquoi l’Église orthodoxe refuse cette date du 25 décembre.
Aujourd’hui, alors que la terre des hommes est sur le point de basculer dans un monde ou la religion monothéiste n’est plus qu’un fantôme du passé, il est intéressant de noter que les croyances celtes millénaires sont toujours présentent, même masquées. Nous voyons finalement que les manipulations politiquo-religieuses destinées à contrôler la population ont échoués.
Les anciennes croyances, quelles soient celtes, grecs ou amérindiennes ont toutes un point commun : les divinités sont surtout des représentations de la nature. L’une est le vent, l’autre le soleil ou le règne animal. Des critères de croyances qui reviennent de plus en plus aujourd’hui.
Il n’est point question de mettre en doute les entités supérieurs mais bien les manipulations de l’homme sur l’homme. La disparition des croyances Celtes par la force, la violence, les batailles épiques, n’ont fait que renforcer les hommes dans leur propres croyances.
Alors au lieu de fêter Noël comme une fête chrétienne, pourquoi ne pas vous rapprocher de nos racines Celtes et célébrer la fête de Yule. L’esprit reste le même, seul change la forme.

 




Située là-haut, sur la croupe accidentée des Crec’h en bordure de la mer. On devisait au coin du feu, et, comme Noël approchait, la conversation, laissant les menues nouvelles locales, tourna vers les merveilles de la nuit sainte. Chacun raconta son propos ; seul, le pilote Cloarec, venu en voisin, gardait le silence, la pipe aux dents. Sous ses épais sourcils en broussailles, son petit oeil bleu, noyé d’un vague embrun, semblait regarder le déroulement intérieur de quelque procession de souvenirs. Qui saura jamais la richesse de ces frustes mémoires bretonnes, si pleines de choses inexprimées !

« Çà, fis-je, vous, Cloarec, qui ne dites rien, gageons que vous avez en magasin des histoires étonnantes qui ne demandent qu’à sortir. »
Il hocha sa tête frisée, où les volutes de ses mèches grises floconnaient ainsi qu’une toison.
Sa face, cuite et recuite par la salure du vent marin, de rouge brique qu’elle était, devint rouge feu, et ce fut d’une voix embarrassée qu’il balbutia :
— Des histoires comme celle qui me revient, il n’y a pas de quoi s’en vanter.
— Raison de plus pour la dire, insinua l’aîné des fils Menguy. Vous ferez un acte d’humilité ; ça vous gagnera des indulgences, pilote.
Le vieux, après une courte hésitation, se décida brusquement.
— Aussi bien, déclara-t-il, mon aventure pourra vous servir de leçon à vous autres, jeunes mécréants : elle vous montrera qu’il n’est jamais bon de mépriser l’expérience des anciens.
Il ôta sa pipe de sa bouche, en secoua religieusement la cendre sur son pouce, passa le revers de sa main sous son nez, en reniflant avec force, et commença en breton.
— L’expérience des anciens !... J’avais alors à peu près ton âge, Jean Menguy ; comme toi, je rentrais du service à l’État, et, comme toi encore sans doute, je pensais : « Les anciens, ça n’est que des radoteurs. » C’est ainsi que, cet hiver-là, mon père m’ayant déconseillé de partir pour la pêche au large des îles, sous prétexte que c’était veille de Noël, je lui répondis :
— Veille de Noël ou non, que vous veniez ou que vous ne veniez pas, les vents sont noroît, il fait temps béni pour le turbot ; moi, j’embarque.
Et c’est vrai que le temps était le plus favorable que l’on pût souhaiter : un ciel légèrement couvert, une brise pas trop froide et même presque tiédie, une mer grise et douce, à houles larges, sans clapotis. J’avais d’autant plus désir d’en profiter que, de toute la semaine précédente, il n’y avait pas eu moyen de mettre les filets dehors, à cause de la brume, une brume épaisse comme à Islande, qui avait fait une espèce de demi-nuit, pendant six jours consécutifs. Mon père dut confesser lui-même qu’il faudrait peut-être attendre les premiers soleils de mars avant de retrouver aubaine pareille pour la quête du poisson fin.
— C’est égal, dit-il. Tu risques de perdre ton âme : à ta place, moi, j’aimerais mieux perdre ma pêche.
Je ripostai :
— Où donc est le commandement de Dieu ou de l’Église qui défend de gagner son pain la veille de Noël ? Est-ce qu’il ne faut pas manger ce jour-là comme les autres jours ?
— Tu fais le beau raisonneur, reprit-il. Moi, je crois ce qu’on m’a toujours dit : à savoir, que la nuit de Noël, à partir de minuit, appartient à Dieu.
Et es-tu sûr qu’à minuit tu ne seras pas encore sur les lieux de pêche ?
— Je serai où je pourrai.
— À ton gré. Je t’ai averti. Le reste te regarde :
tu as l’âge de raison... Un dernier conseil, pourtant. Si, à certain moment, tu remarques quelque chose de bizarre à bord, hale au plus vite l’ancre, dresse sa croix dans l’air au bout de tes poings, et, ayant fait agenouiller tes hommes, entonne le chant de Nédélek
Je haussai ironiquement les épaules et pris, pour me rendre au port, le chemin des Crec’h, afin de prévenir les hommes de l’équipage qu’on allait embarquer. Ils étaient cinq, tous des lascars de mon espèce, et plus préoccupés de faire bouillir la marmite quotidienne en ce monde-ci que de s’assurer leur part de paradis en l’autre. Je pourrais les appeler en témoignage, car ils sont encore vivants, à l’exception du mousse, le petit Dudored, mort il y a une vingtaine d’années, de la fièvre jaune, à Montevideo. C’étaient Pierre et René Balanec, de Roc’h-Vrân, Louis Rudono, du Cosquer, et Gonéry Mezcam, de Kerampoullou.
Ils m’eurent bientôt rejoint à la cale, leurs sabots- bottes aux pieds et le suroît noué sous le menton. Dix minutes plus tard nous voguions à toutes voiles, faisant cap vers les Sept-Îles. La brise donnait bien. C’était plaisir d’aller. Il n’y avait, du reste, que nous de sortis. Les autres bateaux dormaient sur le flanc, tirés à sec derrière le môle.
— Tas de flâneurs ! dit Pierre Balanec, en montrant du doigt des groupes de pêcheurs perchés, les bras croisés, sur le glacis de l’ancienne batterie. Ça n’a pas, peut-être, dix sous chez soi pour faire la Noël, et ça fainéante aujourd’hui pour se préparer à nocer demain.
— Oui, continua Rudono sur le même ton, et c’est à nous qu’ils demanderont de les régaler, à l’issue de la grand-messe, par-dessus le marché !
Je leur contai le colloque que j’avais eu avec mon père.
— Peuh ! Des idées de vieilles femmes ! s’écrièrent-ils en choeur.
Dudored, cependant, qui changeait l’écoute de foc pour la seconde bordée, risqua d’une voix timide :
— Il y a une chose qui est sûre : le mari de ma grand-mère s’est perdu par un soir pareil, entre minuit et une heure du matin.
— Le mari de ta grand-mère, c’était peut-être bien ton grand-père, farceur ! » s’écria Gonéry Mezcam en éclatant de rire.
Et l’on parla d’autre chose.
Une fois dans les eaux de l’île aux Moines, nous commençâmes à pêcher, et chacun fut à sa besogne. Mais, contre nos prévisions, le poisson remontait peu. Nous avions compté sur la douceur du temps pour l’attirer, mais il ne se pressait pas, demeurait blotti dans les fonds. Au bout d’une heure ou deux d’attente, un des hommes, je ne sais plus lequel, proposa de gagner plus au large.
« Allons ! » fis-je.
La manoeuvre était bonne : nous ne fûmes pas plus tôt au vent des îles qu’à chaque coup de filet nous ramenâmes quelque chose. « Ça va bien ! » disaient les camarades.
Nous étions maintenant tout à la gaillarde joie du travail qui apporte avec lui son profit. Une ardeur fiévreuse nous animait : c’était comme si nous nous fussions juré de vider les entrailles de la mer. Le mousse n’avait que le temps de tirer les belles pièces pour les mettre à l’abri dans les paniers.
« Attrape ça, morveux », lui criait-on, en lui lançant dans les jambes quelque turbot tout palpitant.
Ou bien encore :
« Est-ce qu’il en pêchait de cette taille-là, le mari de ta grand-mère ? »
Et de rire, vous pensez ! Jamais nous n’avions été si gais. Les heures s’écoulaient sans que nous y prissions garde. Nous ne nous aperçûmes même pas que la lumière baissait : nous n’avions d’yeux que pour les grandes eaux couleur de vert-de-gris, qui soulevaient la barque par longues oscillations régulières et nous livraient libéralement leur provende. Seul, Dudored, dans les intervalles de moindre presse, glissait un regard vers les lointains déjà plus assombris. Il n’avait pas notre tranquillité, quoique – vous le verrez par la suite – il ne manquât pas de crânerie, le gamin !
L’approche du soir le tourmentait. Il fut d’abord sans oser en rien dire. À la fin il m’interpella :
— Je crois bien qu’il se fait tard, patron... Et ça sera dur, s’il faut rentrer avec jusant.
Il avait raison : jusant et vent de noroît, tout serait contre nous, si nous ne nous dépêchions pas d’attraper la barre des Sept-Îles pendant que nous avions encore flot pour la franchir. Ce sont des courants terribles, vous savez, et qu’on ne passe pas comme on saute un talus. J’allais me ranger à l’avis de l’enfant et commander le départ. Mais les autres ne l’entendaient pas ainsi.
Le démon du lucre était entré en eux et les possédait : plus ils avaient eu de poisson, plus ils en voulaient avoir. Ils protestèrent d’une seule voix.
— De quoi se mêle-t-il, ce veau mal sevré ! Est-ce qu’on lui demande l’heure qu’il est ?
— Non, répliquai-je, mais il faudrait peut-être l’écouter tout de même, quand il la donne. Voyez !
Et je leur désignai l’horizon de terre sur qui les masses d’ombre commençaient à tomber, annonçant la nuit.
— Bah ! Bah ! Un dernier coup de filet, patron !... Rien qu’un.
Ils étaient enragés, ma parole ! Et, pour dire la vérité vraie, je ne l’étais pas moins qu’eux, puisque, cependant, non seulement je ne m’opposai pas, mais donnai moi-même la main à ce coup de filet supplémentaire qui faillit être cause de notre perte... J’arrive au vilain moment de mon histoire : permettez que je rallume mon brûle-gueule, soit dit sans vous offenser.
Cloarec se pencha vers le foyer, y cueillit une braise dans le creux de sa main et l’appliqua sur le fourneau de sa minuscule pipe en terre. Pour aspirer les premières bouffées, ses joues s’évidèrent jusqu’à faire toucher intérieurement leurs parois. Un grillon se mit à crisser dans le silence.
— Alors, ce coup de filet ?...
— Oh ! reprit le conteur, il fut tout simplement superbe. Mais c’est après... Ah ! Nom d’une misère !... Enfin voici.
Nous avions fini de tout ranger à bord, les voiles étaient en haut et je venais de m’asseoir au gouvernail pour virer, lorsque, en jetant les yeux sur la misaine, je la vis faseyer doucement, comme s’il calmissait. Ça, vous concevez, c’était un ennui. Si le vent nous faussait compagnie juste au moment où le flot allait lui-même nous manquer, nous étions, comme on dit, dans de vilains draps. Il n’y avait pas de raison, en effet, pour qu’une fois pris par le courant des îles, sans une risée pour appuyer notre marche, nous ne tournions indéfiniment dans ces parages jusques ad vitam sempiternam, c’est-à-dire jusqu’à mi- marée ; encore, pour en sortir à cette minute-là, faudrait-il souquer ferme sur les avirons. Et c’était à tout le moins trois ou quatre heures à droguer au large, dans la nuit, avant de pouvoir cingler vers le port.
Du coup, je n’avais plus le coeur à rire. Et il était aisé de voir qu’il en allait pareillement de mes compagnons. Assis à leurs postes, sur les bancs, les uns face à l’avant, les autres face à l’arrière, ils regardaient vaguement dans le gris de l’obscurité tombante, sans mot dire. La journée décidément finissait mal.
Je conservais toutefois l’espoir d’atteindre la redoutable barre en temps propice. Nous n’en étions plus qu’à une demi encablure, quand la voix de René Balanec s’éleva, roulant une bordée de jurons :
— Nom de... nom de... nom de...
— Quoi ? Qu’est-ce qui te prend ? demandai-je.
Il regardait par-dessus ma tête, vers la haute mer, dans la direction de l’ouest. Je grognai, agacé :
— Parleras-tu, sagouin !
— C’est du propre ! fit-il. Voilà maintenant que ça brouillasse là-bas.
— Y a pas de doute, en effet : c’est la brume, déclarèrent Mezcam et Rudono.
Je m’étais retourné, d’un mouvement subit, et je dus, hélas, constater qu’il n’y avait pas de méprise possible. C’était bien la brume, la satanée brume qui, balayée seulement de la veille, revenait à la charge, envahissant de nouveau l’espace, tissant dans l’entre-deux du ciel et de l’eau sa trame d’étoupe molle et déjà cernant l’horizon du soir, prête à tout aveugler.
« La gueuse ! C’est elle qui a muselé le vent », bougonna Pierre Balanec.
La mer, aux flancs de la barque, commençait à frisotter : des plaques d’écume – des crachats, comme nous disons – filaient avec rapidité dans le sillage, et, sous nous, on sentait le chêne des planches vibrer. Nous étions dans le coureau des îles. Je me dressai sur mes pieds. « Hé, mousse ! Arrive à ma place, et tâche de gouverner au plus près... Nous autres, aux avirons, tous !... Hardi là ! commandai-je en donnant le premier l’exemple.
Et maintenant, comprenez bien : je m’étais mis à la rame de tribord, avec Mezcam ; les deux frères Balanec étaient à la rame de bâbord.
« Toi, avais-je dit à Louis Rudono, veille devant, à cause des cailloux. »
Vous savez s’il y en a, dans ces parages d’enfer !... Dès lors – bien que je n’eusse pas encore passé l’examen de pilote –, je les connaissais tous, certes, comme si je les eusse plantés moi-même, ces cailloux de malheur ; et, de nuit aussi bien que de jour, à mer haute comme à mer basse, je me serais débrouillé au milieu d’eux, les mains dans les poches et les yeux fermés. Mais par temps de brume, holà !...
Ça n’est ni du jour ni de la nuit, la brume !... Je n’avais guère à compter que sur l’oeil de Rudono.
C’est vrai qu’il en avait un comme on n’en voit plus. Le rémouleur qui lui avait aiguisé la prunelle n’avait pas volé son argent, ah ! non. Tout de même je n’étais pas trop rassuré.
Rappelez-vous bien, n’est-ce pas, comme nous étions distribués dans le bateau : lui, Rudono, sur l’avant ; le petit Dudored à la barre ; nous quatre, les Balanec, Mezcam et moi, deux par deux sur chaque aviron.
« Eh, ohé ! Souque !... »
Nous n’épargnions pas l’huile à bras, je vous promets. Sous notre effort vigoureux, la barque vola. Le gros Pierre Balanec sortait à intervalles réguliers du fond de sa large poitrine de formidables : Ahan ! Ahan ! Pour marquer la cadence. Mais nous avions beau forcer de vitesse, la brume sournoise, furtivement, nous gagnait.
Elle ne nous avait pas rattrapés encore : un reste de jour éclairait les eaux dans notre voisinage.
Visiblement, néanmoins, nous commencions à être emprisonnés.
Le grand linceul d’ombre pâle rétrécissait peu à peu son cercle, et c’était maintenant comme un immense mur flottant derrière lequel tout se perdait, s’évanouissait peu à peu, la terre d’abord, très lointaine – puis les îles, plus proches –, et enfin les éclats mêmes des phares qui venaient d’allumer leurs feux. Seul, celui de l’île aux Moines demeura quelque temps suspendu comme un astre fantôme dans le ciel noyé ; puis il ne fut plus qu’un halo trouble ; puis ce halo, à son tour, s’effaça, et tout disparut.
« Bonsoir la camoufle ! » dit Rudono, qui était désormais notre unique phare.
Et il cria au mousse :
— Gouverne toujours tout droit, hein, petit !
— Oui, oui, répondit de l’arrière la voix grêle et un peu enrouée du gamin.
Une humidité glaciale pénétrait nos membres.
L’haleine de la brume était déjà sur nous, et nous respirions son étrange odeur de roussi, si âcre qu’elle nous raclait la gorge. Nous n’avions plus à espérer de lui échapper. Si, du moins, nous réussissions à traverser les rapides, avant qu’elle nous eût liés dans ses mailles !... Après, ma foi, tant pis ! On voguerait comme on pourrait, à l’aveuglette. L’essentiel était de parer au danger le plus pressant : une fois en eaux calmes, on verrait à s’orienter.
Et nous nous cramponnions à nos rames avec une ardeur de galériens sous le fouet du garde-chiourme. De minute en minute, je demandais à Rudono :
« Quoi de neuf ? »
Il trempait sa main dans le clapotis le long de l’étrave, et répondait :
« On doit encore être dans le grand coureau, car ça frise dur... Un peu de courage, les enfants ! »
Du courage, nous en eûmes, parbleu ! Jusqu’à ce qu’il nous fût démontré que ça ne servait de rien. Comme je répétais ma question pour la dixième ou quinzième fois, Rudono murmura :
— C’est singulier : on dirait que nous n’avançons plus...
Ploc... ! Il n’avait pas fini de parler que nous sentîmes sur nos épaules comme la tombée brusque d’un manteau de ténèbres humides. En un clin d’oeil nous en fûmes tous enveloppés.
Des ténèbres d’ailleurs qui n’en étaient pas ; ou plutôt il surnageait là-dedans une espèce de clarté triste, funéraire, une clarté de l’autre monde, quoi !... Si épaisse que fût la buée, elle ne nous empêchait pas de nous voir ; seulement, nous nous voyions comme si nous avions été à des milles les uns des autres. Encore ce que nous distinguions était-ce moins nos personnes que des formes de nous-mêmes, des ombres bizarres, méconnaissables, démesurément agrandies. Ainsi Gonéry Mezcam, qui était assis vis-à-vis de moi au même aviron, je dus étendre le bras vers lui pour me persuader, en touchant son tricot, qu’il n’avait pas quitté son banc et que cette silhouette gigantesque, c’était lui...
La barque, elle, avait l’air d’une chose sans bords qui eût flotté dans du vide ; la voilure... pfutt !... une brume dans la brume, comme la mer, comme le ciel, comme tout...
— Ça y est ! dit la voix d’orgue de Pierre Balanec. Nous sommes dans le pot au noir !...
Et presque aussitôt, là-bas, à l’avant du bateau, très loin, nous entendîmes Rudono qui hurlait :
— Bon ! Ce n’est pas seulement que nous n’avançons plus, les amis..., nous drivons !
Ah ! Sacré mâtin ! Quel souvenir !... Je ne sais pas ce que je n’aurais pas donné pour être chez nous... Croyez ce que je vous dis, les gars : laissez les turbots en paix et restez vous-mêmes au coin du feu, la veille de Noël.
Le vieux Cloarec cracha dans l’âtre, soupira, fit une pause qui nous parut longue.
— Vous ne voulez pas, au moins, nous signifier que vous êtes au bout de votre histoire ? protesta au nom de l’assistance Perrine Ourgam, la mère des Menguy.
— Je n’avais plus de salive, répondit assez durement le pilote.
Et il poursuivit :
— En drive !... Que faire ?... Nous n’avions plus qu’à laisser aller nos rames, n’est-ce pas ? et à nous laisser aller nous-mêmes où il plairait au sort de nous conduire. Car de lutter davantage pour essayer de franchir la barre, il n’y fallait pas songer. Ce devait être maintenant l’heure du jusant plein : les courants étaient nos maîtres. À quoi bon les contrarier inutilement ? Je fis amener les voiles.
— Après tout, dis-je par manière de consolation, si nous drivons, c’est vers la haute mer. Et nous y serons plus en sécurité que parmi les récifs pour attendre le retour du flot. Il n’est que de patienter.
N’empêche que c’était un bon tiers de la nuit à passer au large, et qu’à supposer qu’il ne survînt aucune complication, nous ne serions jamais rentrés au port avant les approches du matin. La perspective n’avait rien de folâtre, surtout que le brouillard épaississait toujours son linceul.
Elle nous impressionnait, malgré nous, cette atmosphère étrange où nous glissions d’une allure d’ombres, plus semblables à des spectres qu’à des êtres vivants. Roulés dans nos cirés, la visière du suroît rabattue sur les yeux et les mains dans nos manches, nous nous tenions recroquevillés et muets. Car nous n’avions même plus d’entrain à causer, d’autant qu’on ne pouvait ouvrir la bouche sans avaler cette horrible fumée d’eau, qui sentait l’enfer. La brume, d’ailleurs, semblait avoir immobilisé toutes choses. Le bruit même de la mer s’était comme fondu. On eût dit que rien n’existait plus, qu’on flottait dans quelque océan de la mort.. Et c’était un silence... un silence !...
Combien de temps dérivâmes-nous ainsi, je ne saurais vous le marquer. Nous ne nous rendions pas plus compte de la durée que de quoi que ce fût au monde. La brume était en nous comme autour de nous : elle avait envahi notre esprit aussi bien que nos corps. Nous ne vivions plus qu’en songe.
Or tout à coup la voix du mousse héla, très faible :
— Patron !
— Quoi ? demandai-je en secouant à demi ma torpeur.
— Je ne sais pas comment cela se fait, mais le sûr, c’est que nous sommes un de plus à bord.
Nous nous levâmes tous en sursaut.
— Qu’est-ce que tu chantes là ? m’écriai-je, furieux et angoissé tout ensemble.
Mezcam ricana :
— Cet imbécile a la berlue.
— Dame ! Comptez vous-même, répliqua l’enfant.
Je comptai... Et maintenant, croyez-moi ou ne me croyez point, mais il n’y avait pas à dire... au lieu de six que nous étions au départ, à cette heure nous étions sept. Dudored n’avait pas menti. Les autres, à tour de rôle, se mirent à recompter après moi :
— Oui, sept ! Nous sommes bien sept à bord, déclarèrent-ils tous, avec un tremblement d’épouvante dans la voix.
Quel était ce septième ? Impossible de le reconnaître. Dans cette brume, toutes les silhouettes se ressemblaient, et, de vouloir distinguer les visages, c’eût été peine perdue.
— Faites l’appel comme au service, patron, conseilla Rudono.
J’appelai donc par rang d’âge, Pierre Balanec, d’abord, puis Gonéry Mezcam, puis Louis Rudono, puis René Balanec, puis Lommik Dudored. Au fur et à mesure, ils répondaient de toute la force de leurs poumons :
— Présent !
L’opération finie, Rudono s’écria :
— Celui qui n’a pas répondu, c’est celui que voici !
Son geste désignait quelqu’un qui se tenait adossé au mât. Il se précipita pour le saisir au collet ; mais il abaissa aussi vite le poing, car la voix de basse-taille du gros Balanec prononçait :
— Erreur ! C’est dans moi que tu as croché.
– Alors, c’est à n’y rien comprendre...
Il y eut entre nous un silence plein d’indicible terreur. Nous restions debout, frémissants, n’osant nous regarder les uns les autres, par crainte que la silhouette sur qui s’arrêterait notre regard ne fût précisément celle du mystérieux inconnu. Mais soudain le mousse héla de nouveau :
— Patron !
Qu’allait-il m’apprendre ?
— L’arrière du bateau s’enfonce, continua-t-il. Le bordage est déjà presque au niveau de la mer.
La même idée nous vint à tous : c’était évidemment le poids du septième, le poids du passager surnaturel, qui nous entraînait dans l’abîme. Je commandai néanmoins, pour tenter, si possible, d’alléger l’embarcation :
— Jetez tout !
Les paniers de poisson, il va sans dire, défilèrent les premiers. Puis chacun lança pardessus bord tout ce qui se trouva sous la main. Ce fut un saccage. Le bateau cependant ne «soulageait» pas. Comme je cherchais à tâtons qu’est-ce qui pouvait bien rester dont on pût se débarrasser encore, mes doigts rencontrèrent le fer de l’ancre. Brusquement, les paroles de mon père, auxquelles, dans ma stupeur, je n’avais même pas eu la présence d’esprit de songer, se réveillèrent d’elles-mêmes au fond de ma mémoire.
— Holà ! criai-je, ne jetez plus !
Et, dressant au-dessus de mon front la croix de l’ancre, j’entonnai un chant de la messe de minuit.
Les autres me dirent plus tard qu’en cet instant ils me crurent devenu fou, chose qui leur paraissait à la vérité d’autant plus explicable qu’ils sentaient, eux aussi, leur raison les abandonner.
— Le bateau remonte ! cria Dudored, d’un accent joyeux, comme je reprenais haleine pour passer au second verset.
Tous, cette fois, d’un mouvement spontané, unirent leur voix à la mienne, le creux de Pierre Balanec retentissant avec un fracas de grandes orgues. Et ce fut une chance singulière, vous allez voir... Durant une pause, en effet, de là-haut, du fond de la brume, un appel descend :
— Ohé ! Gare à l’accostage ! Lofez en douceur !
Qui a parlé ? Nous levons la tête. Un éclair rouge fauche le brouillard, presque immédiatement suivi d’un éclair blanc. C’était le Triagoz.
— Je distingue la tour du phare, articula Rudono, qui avait recouvré ses yeux de voyeur.
Vous devinez le reste. Contrairement à nos calculs, les courants, au lieu de nous entraîner au large, nous avaient fait driver vers les roches du Triagoz. Sous voiles, avec la moindre brise, nous nous fussions immanquablement broyés. Mais il n’y avait, je vous l’ai dit, ni lames ni vent ; de sorte que là où nous aurions pu trouver notre perte, nous trouvâmes le salut. Prévenus, nous accostâmes sans encombre. Le gardien de guet nous attendait sûr le seuil de la porte, un fanal à la main.
— Vous avez bien fait de hurler, nous dit-il ; si je ne vous avais pas entendus à temps, vous alliez dans les remous.
À ce moment, des échos de sonneries de cloches lointaines tremblèrent dans le brouillard.
— Tiens ! La messe de minuit à terre, reprit l’homme du phare. Nous nous découvrîmes en nous signant.
Et le pilote conclut :
— Voilà ce qui m’est arrivé. Le lendemain, nous rentrions au port, sur le coup de six heures, à la petite aube, sans turbots. Mon père achevait de revêtir ses habits de fête. Il ne m’interrogea point, mais, à la confusion de ma mine, il se douta bien que j’étais à jamais guéri de la prétention d’en remontrer aux anciens.
— Et le septième, demandai-je, quand avait-il disparu et qui pensez-vous aujourd’hui que ce pût être ?
Le bonhomme inclina sa tête crépue et haussa ses vieilles épaules :
— Je vous ai dit ce que je savais ! fit-il en renfonçant ses petits yeux bleus, pleins de rêve, sous les grands sourcils embroussaillés.
La nuit suivante, je m'endormis avec des questions plein la tête.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-e-s et la Family !




 était très pauvre et souffrait de la famine avec sa famille. Il ne lui restait que pour seuls biens un chat, un âne et une vache qu’il avait toujours refusé de vendre car il leur était très attaché.

Cependant, il avait tellement faim en cette nuit de Noël qu’il décida de se rendre à l’étable et de tuer sa vache pour la manger. Il retarda le plus possible l’instant fatidique, mais en voyant son dernier enfant pleurer toutes les larmes de son corps tellement la faim lui faisait mal au ventre, il prit un couteau et y alla.
Minuit venait de sonner au clocher de l’église du village voisin. La neige commençait à tomber. Le paysan pleurait de rage devant le destin qui l’obligeait à choisir entre ses bêtes qu’il aimait tant et ses enfants qu’il aimait plus encore.
Quelle ne fut pas sa surprise d’entendre ses animaux parler distinctement quand il s’approcha de l’étable.
— Comme notre maître est bon avec nous, disait l’âne.
— C’est vrai dit la vache, je ne donne plus de lait parce que je suis trop vieille mais il refuse de me vendre au boucher.
— Oui et moi, je suis trop vieux pour attraper les souris mais il me laisse toujours une place au coin du feu, dit le chat.
— Eh moi, il prend bien soin de ne pas trop me charger et ne me tape jamais avec son bâton, reprit l’âne. Pourtant je vois bien qu’il est malheureux. Si seulement il savait que sous son arbre se trouve un chaudron magique qui se remplit de nourriture quand on lui demande, lui et sa famille n’auraient plus jamais faim.
— C’est vrai, et s’il savait qu’en cette nuit de Noël, s’il coupe des branches de son vieil arbre, celles ci lui donneront un feu dans sa cheminée qui ne s’éteindra jamais, il n’aurait plus jamais froid dit la vache.
— Oui et s’il savait que sous la troisième planche de son plancher se trouve un trésor, il ne serait plus jamais pauvre, conclut le chat »
Que croyez-vous qu’il se passa ?
Le paysan se précipita au pied de son arbre et déterra le chaudron, puis il coupa suffisamment de branches de l’arbre pour en faire un gros fagot et le ramena chez lui. Enfin il souleva la troisième planche de son plancher et découvrit le trésor annoncé.
Lui et sa famille n’eurent plus jamais faim ni froid et le trésor leur permit de devenir riches.
Il garda ses animaux et en prit grands soins jusqu’à ce qu’ils meurent de vieillesse. Chaque soir il se couchait seulement après avoir été vérifier qu'ils ne manquaient de rien. Ce n'était qu'à cet instant qu'il se sentait suffisamment satisfait de la reconnaissance qu'il avait pu leur montrer.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-e-s !




empreint de tendresse,

 07/12/2021
J'ai trouvée ce conte magnifique,
pour une soirée tout en douceur ,
j'ai voulu vous en faire cadeau .
J'ai bien fait non ?
 Un vieux conte Amérindien révèle que lorsque l’enfant est dans le ventre de sa mère, il possède toute la connaissance du monde.
Il sait combien d’étoiles sont dans le ciel,
combien de gouttes d’eau se trouvent dans la mer
et combien de grains de sable contient le désert.
Il connaît les mystères du ciel
et des étoiles,
de la terre et des océans.
Il connaît tous ces mystères car il est l’Univers entier.
Mais quand il est sur le point de naître,
son Ange gardien pose un doigt sur sa bouche scellant ainsi les secrets qu’il garde en lui et murmure :
"Apprends " ...!
Belle soirée à vous toutes et tous , prenez bien soin de vous ❤️🌹


Gaëtan

 24/09/2021

était un petit garçon rêveur qui passait de longs moments à sa fenêtre dans la maison de ses parents située en surplomb de la baie de Douarnenez.
Un soir alors que les premières étoiles du ciel s'allumaient en réponse à l'invitation des lumières tournoyantes des phares de la côtes, Gaëtan, les yeux perdus dans ses pensées, vit arriver un chariot scintillant, en forme de feuille, tiré par une douzaine de papillons géants.
Stupéfait, il suivit l'étrange équipage du regard jusqu'à ce que ce dernier atterrisse derrière sa maison.
A cette heure-ci il aurait du dormir aussi traversa-t-il discrètement le salon alors que ses parents regardait une émission sans intérêt à la télévision.
Il sortit de la maison et se dirigea vers l'endroit où le chariot avait atterri sur la lande. Il ne tarda pas à y arriver et ce qu'il vit le laissa pantois.
Une belle dame au grand manteau bleu nuit avec des pierres précieuses qui scintillaient semblait désemparée et examinait une pièce de bois de son chariot en poussant de gros soupirs pendant que les douze papillons demeuraient sagement en place, attendant sans doute un ordre pour reprendre leur envol.
– Puis-je vous aider madame ?
demanda Rafaël. Vous avez un souci ?

– Comment t'appelles-tu, toi le fils d'Adam qui peut me voir ? Il n'est pas fréquent que ceux de ta race aient cette capacité ! répondit la belle dame.
– Je m'appelle Gaëtan et j'habite dans la maison que vous voyez là.
– Et bien Gaëtan , je suis la fée de la nuit, celle qui parcourt le ciel quand le soleil s'est couché afin de le teinter du bleu le plus foncé possible pour que les tiens puissent dormir profondément. Là j'ai un problème. Une pièce de bois s'est cassée sur mon chariot. Une petite cheville de rien du tout qui maintenait un des timons de mon chariot en place et maintenant mon chariot ne peut plus voler. Cela va empêcher les gens de s’endormir. Il faut absolument que je trouve quelque chose pour la remplacer et reprendre mon vol.
– Je crois avoir ce qu'il faut, dit Gaëtan. Attendez-moi, je reviens.
Le petit garçon courut jusque chez lui et revint avec un crayon en bois qu'il montra fièrement à la fée de la nuit.
– Cela pourrait convenir, essayons !
La fée prit le crayon et le plaça à l'endroit qui joignait le timon aux attaches de son chariot. Il entra parfaitement dans l'emplacement.
– Bravo ! s'exclama la fée. Le service que tu me rends là est immense et mérite une récompense ! Que dirais-tu de venir avec moi ? Je t'emmène faire un tour.
Gaëtan ne se fit pas prier. Il posa la main sur celle que la fée lui tendait et grimpa dans la grande feuille scintillante.
Sur un ordre de la fée, les douze papillons se mirent à courir en battant des ailes de plus en plus vite jusqu'à ce que le chariot décolle du sol.
Quelle impression merveilleuse !
L'équipage monta bien au-dessus des nuages et le petit garçon regarda le sol qui s'éloignait de plus en plus.
Il ne tarda pas à voir la rotondité de la Terre et fut frappé par sa beauté.

Loin en bas, des lumières s'allumaient derrière le passage de la fée alors que la nuit se faisait plus sombre.
– Les hommes éclairent la nuit parce qu'ils ont peur de leur imagination ! lui dit la fée. C'est pourtant leur plus grande richesse mais ils se comportent avec elle comme s'il s'agissait d'une malédiction. Regarde toutes ces villes qui s'allument. Elles imposent leurs apparences tristes même pendant la nuit et tes semblables ne peuvent plus s'évader en rêvant.
C'est bien triste !

Gaëtan ne sut quoi répondre.
La fée lui fit faire un tour de la planète puis le ramena devant la fenêtre de sa chambre.
Elle l'aida à descendre, lui fit un bisou sur le front et s'envola.
– Continue à rêver jeune Gaëtan, lui cria la fée, les rêveurs sauveront l'Humanité !
Le petit garçon lui fit signe de la main puis rentra furtivement se coucher. Il se glissa dans son grand lit et ramena la couette sur lui.
Alors, dans la nuit noire parsemée d'étoiles, il s'endormit rapidement, un grand sourire sur les lèvres.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-e-s .




la tourterelle 2/2

 14/09/2021
Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil Aleks frappa encore le sol en souhaitant un château avec mille tours et autant d'oriflammes richement ornés. Et, à ce vœu, un château sortit de terre, aussi haut qu'une montagne et si solide qu'il pouvait défier les assauts des tempêtes les plus furieuses des différents dragons des vents. Toute la famille s'y installa.
La mère d'Aleks, pour remercier son fils, lui prépara une boisson à base d'hydromel et de cidre. Le jeune homme, après avoir goûté de ce mélange, le trouva excellent :
– Puisque ma bague peut me procurer tout ce que je désire, dit-il, je souhaite avoir moi-même des pommiers qui me fourniront en cidre et des ruches qui me donneront du miel!
Il frappa le sol de sa paume et se trouva avoir des pommiers et des ruches en quantité.
Le chef d'un village voisin, d'un naturel très envieux, apprit qu'Aleks possédait une bague merveilleuse. Il résolut de la lui enlever. Il marcha vers le village du jeune homme et l'investit avec ses guerriers. Alors, Aleks frappa de toutes ses forces un bloc de roche avec sa paume droite.
– Je veux des guerriers géants, ordonna-t-il, pour me débarrasser de ces envahisseurs !
De tous côtés arrivèrent des monstres énormes armés de lances et de fusils. Certains déracinaient des arbres pour s'en servir comme de gourdins. Ceux qui n'avaient pas d'armes s'étaient munis de rochers aussi gros que des maisons.
Ces guerriers se ruèrent sur les ennemis, en massacrèrent la plus grande partie et emportèrent leurs cadavres pour s'en repaître. Le reste des envahisseurs s'enfuit avec leur chef.
Celui-ci, ne pouvant s'emparer par la force de l'anneau magique, résolut de se l'approprier par la ruse.
Dans ce but, il envoya l'aînée de ses filles au possesseur du talisman, en le priant d'accepter celle-ci comme épouse en guise de soumission.
Avant de mettre sa fille en route, il lui dit :
– Tu sais que tu es fille d'un roi ! Et tu ne souhaites sûrement pas qu'il y ait en ce monde quelqu'un de plus puissant que ton père. Celui à qui je t'envoie a plus de pouvoir que moi, car il possède un anneau qui lui procure tout ce qu'il peut souhaiter. Quand il t'aura accueillie comme épouse, la septième nuit de votre mariage, fais le nécessaire pour t'emparer de l'anneau. Si tu ne veux pas que je te maudisse !
Quand la jeune fille se présenta chez Ségué, elle lui plut tant qu'il l'accepta de grand cœur pour femme.
Le septième soir, au moment d'aller dormir, elle dit à son mari :
– Tout bon mari doit offrir des présents à son épouse.
– Je te donne cent servantes, lui répondit Aleks.
– Chez mon père, j'en avais deux cents, répliqua la jeune femme.
– Je te couvrirai de bijoux plus jolis les uns que les autres !
– Il y en a aussi à foison chez mon père !
– La bague que je te vois au doigt.
– Je ne te la donnerai certes pas !
– Puisqu'il en est ainsi, laisse-moi m'en retourner à l'instant chez mon père !
Aleks, désespéré de voir partir son épouse, céda.
– Tiens, dit-il, voilà la bague ! Prends-la donc !
– Maintenant que tu m'en as fait don, il te faut m'indiquer comment m'en servir.
– Si le désir te vient de quelque chose, répondit Aleks, frappe la terre du plat de ta main en nommant à voix haute l'objet convoité.
La jeune femme, alors, frappa le sol de sa paume en disant :
– Anneau de l'oiseleur, ramène-moi chez mes parents et que tout ce que tu lui as donné m'accompagne!
À l'instant même, elle se trouva transportée dans le château de son père, et tous les biens qu'Aleks avait obtenus grâce à la bague la suivirent.
Une grande fête fut donnée ce soir-là chez le roi envieux qui voyait revenir sa fille avec l'anneau convoité.
Le lendemain, la perfide épousée remit l'anneau à son père, et celui-ci fit ses préparatifs pour aller détruire le château de son gendre.
– Nous revoici malheureux comme jadis ! dit Aleks à son père. La tourterelle va me le payer, car je la capturerai à nouveau. Elle a beau connaître le piège et la glu, elle ignore les collets de crin !
Le chien du vieux chasseur intervint alors :
– Ce n'est pas la peine de rattraper la tourterelle ! Je vais tâcher de récupérer ta bague. Laisse-moi faire !
Le chien alla trouver un chat.
– L'anneau de mon maître est à présent aux mains du chef du royaume voisin. Si, d'ici ce soir, je ne l'ai pas en ma possession, il n'y aura plus un chat vivant sur terre.
Le chat, à son tour, s'en alla trouver un rat.
– Si l'anneau d'Aleks passe la nuit chez le monarque du royaume voisin, je mangerais tous les rats jusqu'au dernier !
À minuit, trois rats se rendirent chez le roi du royaume voisin, qui dormait profondément. Le premier rat veilla à ce que personne n'entrât dans la chambre, le deuxième rat surveilla le sommeil du monarque. Pendant ce temps, le troisième lui ôtait la bague du doigt.
Quand il l'eut en sa possession, il alla promptement la remettre au chat. Celui-ci, à son tour, s'empressa de la porter au chien. Et le chien la rendit à Aleks qui récupéra instantanément l'ensemble de ses biens.Tous s'endormirent, heureux du bon tour qu'ils avaient joué à leur voisin jaloux.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-es !



la tourterelle....1/2

 14/09/2021
Un jeune garçon de Cornouaille nommé Aleks vivait dans les montagnes noires et avait pour habitude de piéger des volatiles pour se nourrir. Chaque fois qu'il allait visiter ses pièges, il y trouvait de nombreux oiseaux capturés. Il avait attrapé toutes les espèces qui existent au monde, à l'exception d'une tourterelle à gorge noire. Cette tourterelle-là avait esquivé tous ses pièges.
Renonçant à la capturer par ce moyen, le garçon prépara de la glu avec de l'écorce bouillie de blé noir Puis il englua tous les arbres du pays. La tourterelle, qui ne connaissait pas ce piège, alla se poser sur une branche, et ses pattes furent prisonnières de la matière poisseuse.
Aleks accourut pour s'emparer de sa victime.
– Jeune homme, lui dit l'oiseau, ton habileté a été plus grande que ma méfiance, mais si tu me laisses la vie sauve, je te donnerai quelque chose dont tu seras content, et ton père avec toi, car il ne sera plus obligé d'aller à la chasse avec son chien comme il le fait par tous les temps.
– Et que veux-tu donc me donner de si précieux ?
– Du bétail !
– À quoi bon ? Je ne bois pas de lait !
– Alors je t'offrirai de l'argent à profusion !
– Ce n'est pas une chose qui se mange ! Ta chair est bien préférable pour moi !
Et Aleks, impatient, saisit la tourterelle à la gorge. Celle-ci supplia alors d'une voix étouffée, car la pression des doigts la gênait fort pour parler :
– Enfant, relâche-moi ! Je te promets une masse d'or aussi énorme qu'une montagne !
À ces mots, Aleks desserra un peu son étreinte. Alors, l'oiseau pondit un œuf et dit au jeune homme :
– Casse cet œuf, tu y trouveras une bague. Cette bague, mouille-la de ton sang.
Quand Aleks eut cassé l'œuf, il aperçut à l'intérieur un petit anneau blanc. Il se fit alors une légère incision à la main et mouilla l'anneau avec le sang qui en coula.
L'anneau devint aussitôt jaune comme de l'or.
– Passe cette bague à ton doigt, lui recommanda alors la tourterelle. Chaque fois que tu auras besoin de quelque chose, frappe le sol avec la paume de la main où se trouve le doigt qui porte l'anneau. Prononce en même temps le nom de ce que tu désires. Tu l'obtiendras à l'instant même !
– Je vais en faire l'expérience sans plus attendre ! déclara Aleks. Si tu as menti, je te rôtirais sur la braise et te mangerais sans pitié !
Il passa l'anneau à un doigt de sa main droite et, frappant le sol de la paume, il cria ce seul mot : "soupe!" Cent jarres de soupe apparurent aussitôt.
Après s'être rassasié, le jeune oiseleur dit à la tourterelle : " Il n'y a peut-être là qu'un effet de tes sortilèges. Je ne crois pas que ce soit la bague qui m'ait procuré cette soupe. Je vais tenter une seconde expérience. "
Alors, frappant la terre de nouveau, il appela :
– Mon père ! Ma mère ! Venez manger de la soupe!
Aussitôt, il vit ses parents à ses côtés.
Tous deux s'assirent et mangèrent, eux aussi, de grand appétit.
– Petite tourterelle, dit alors Aleks, que ton anneau soit efficace ou non, tu m'as déjà donné plus de nourriture que ta chair ne m'en eût valu ! Aussi vais-je te laisser aller. Mais sache bien que si ta bague cessait de m'être utile, il me serait encore possible de remettre la main sur toi !
Sur ces mots, il délivra la tourterelle, qui s'enfuit à tire-d'aile.
Aleks s'en retourna dans son village, accompagné de ses parents. Mais la marche fatiguait beaucoup ces derniers qui n'avaient pas pu se rendre compte de la longueur du chemin en venant, ayant été transportés par la vertu de l'anneau.
Aleks, les voyant marcher péniblement, frappa la terre du plat de sa main en disant :
– Il me faut trois chevaux alezans !
Sur-le-champ, trois chevaux tout harnachés et dont la crinière et la queue étaient décorées de fils d'or, sortirent du sol à l'endroit même où Aleks avait frappé.
Le jeune homme aida ses parents à enfourcher leurs montures, puis il grimpa à son tour sur la sienne. Ils revinrent chez eux en cet équipage et purent se reposer de toutes ces émotions.
Si mon histoire n'est pas finie, il est quand même temps d'aller au lit.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-es !



huitres plates

 27/08/2021

Il y a longtemps, alors que je me promenais vers Plougastel-Daoulas, mes pas m'entraînèrent au bout de la presqu'île et je tombais par hasard sur un éleveur d'huîtres plates. Sa réputation l'avait précédé et je connaissais déjà son nom sans précisément savoir qu'il se trouvait là. L'homme se montra aimable et me fit visiter son parc au fond de la rade de Brest.
La journée tirait à sa fin et je le vis prendre une petite corbeille en osier au fond de son bateau, y déposer un morceau de lard et poser le tout sur l'eau. Je lui demandai si ce rituel était lié à son succès. La question n'était visiblement pas à poser car l'homme se renfrogna. Je ne voulus pas insister mais quand, au hasard d'une nouvelle conversation, je mentionnais ma qualité de président de la maison des contes et légendes de Cornouaille, il se détendit et revint de lui-même à la question qui semblait l'avoir gêné quelques temps auparavant. – Mon succès est un secret que j'accepte de vous révéler car il m’apparaît désormais que vous êtes apte à l'entendre. Si je suis si heureux avec mon élevage d'huîtres, c'est grâce au poulpiquet des huîtres. J'ouvrais de grands yeux étonnés. Il poursuivit. – Je vous vois circonspect, mais c'est vrai. Je l'ai rencontré ici alors que je n'étais pas encore installé et que je cherchais l'endroit adéquat. Un vieux bonhomme d'un mètre de hauteur qui tournait et retournait dans ses mains une huître qu'il venait de sortir de la mer.
" Est-ce que vous cherchez des perles ? lui demandai-je. – Non, répondit-il ; je compare cette espèce, ou plutôt cette variété, à toutes celles que je connais déjà.
– Ah ! vraiment ? vous êtes amateur ? – Il s'agit là d'un doux euphémisme me concernant, mais j'accepte le qualificatif donc oui, monsieur ; et vous ?
– Moi ? A vrai dire je cherche un endroit pour y développer un élevage.
– Bravo ! me répondit-il, nous pourrons nous entendre. Je me mets absolument à votre service....
si vous parvenez à me battre !
Alors brusquement il entra en fureur, et, reculant d'un pas, il saisit un gros marteau d'acier, apparu comme par magie, qu'il brandit d'une main convulsive. Je saisis à temps le bras du gnome et lui arrachai son arme ; mais il s'élança sur moi et s'y attacha comme un poulpe. Cette étreinte d'un affreux bossu me causa une telle répugnance, que je me sentis pris de nausées et le menaçai de lui briser l'échine s'il ne me lâchait pas.
Je ne sais trop alors ce qui se passa. Le gnome était d'une force surhumaine ; je me suis retrouvé étendu par terre, et, alors, ne me connaissant plus, je ramassai un pieu apporté par les eaux, puis me mis à sa poursuite. Je le vis ramper dans la vase et chercher à me saisir les jambes. Un coup vigoureusement appliqué sur l'échine lui fit jeter un cri si étrange, et il devint petit, si petit, que le vis entrer dans une énorme coquille qui bâillait à mes pieds sur le rivage. – C'est bon je crois que ça ira comme ça !
entendis-je de la coquille. Je suis désormais à votre service jusqu'à la fin de vos jours si vous décidez de vous installer ici pour y élever des huîtres. "

Et c'est ainsi que tout a commencé. Mes huîtres sont maintenant connues dans le monde entier. Je n'ai jamais revu le poulpiquet des huîtres mais je reconnais régulièrement des signes de sa présence discrète. Alors chaque soir avant d'aller dormir, je viens sur mon élevage et laisse une petite corbeille sur la mer dans laquelle je dépose quelque chose à son intention. C'est ma façon à moi de le remercier.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
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d'ici-là bonne nuit les ami-e-es !



 

Il est des actes que l'on ne doit pas faire à la maison après le soleil couché.
En Cornouaille, c'est en éloigner le bonheur que de la balayer, parce que les âmes des trépassés s'y promènent et que le balai les dérange et les blesse.
A cette heure elles obtiennent souvent de revenir dans leur ancien logis. Lorsqu'il est nécessaire de balayer et que le vent fait rentrer la poussière, il faut bien se garder de la rejeter dehors une seconde fois. Dans le même pays, si on balaie le soir, on chasse la Sainte Vierge qui fait sa tournée pour voir dans quelles maisons elle peut laisser entrer ses âmes préférées.




Il y a longtemps, très longtemps, l'archi-druide de Cornouaille en eut assez de la méchanceté des hommes. Il décida de quitter la région et de descendre sous la terre jusqu'à la terre des fées. Aussitôt dit, aussitôt fait... Il s’en alla.

Un grand malheur s’abattit sur la nature ; toutes les fleurs, celles des bois, celles des landes, celles des collines, celles des bords de mer, celles du long des rivières et celles de lacs moururent instantanément. Il n’y en eu pas une seule qui survécut. Le pays, jadis si beau et si fleuri devint rapidement un désert. Tous les animaux, les oiseaux, les papillons, les insectes s’enfuirent après la mort des fleurs. Pour voir les fleurs, les habitants ne pouvaient utiliser que leur imagination. Mais les enfants, qui n’avaient jamais connu ces merveilles, ne voulaient pas croire les anciens.
– Vous ne racontez que des histoires, leur disaient-ils et ils s’en allaient tristes dans le décor triste d’une Cornouaille bretonne sans fleurs.
Parmi tous ces enfants, il en était un qui ne pouvait imaginer que tout eut disparu pour toujours. Lorsque sa mère, lassée de raconter l’ancien temps, se taisait, il réclamait encore et encore d’autres histoires car il aimait entendre parler de la beauté des fleurs.
Il pensait que lorsqu’il serait un homme, il partirait à la recherche du grand sorcier et lui demanderait de redonner de la couleur au pays.
Les années passèrent.
Un jour, il fut grand. Son amour des fleurs avait grandi avec lui. Il s’en alla donc trouver sa mère et lui dit :
– Mère, je vais m’en aller à la recherche de l'archi-druide et lui demander de nous rendre les fleurs.
Sa mère le regarda avec des yeux remplis d’effroi.
- Mais fils ! s'écria-t-elle, tout ce que je t'ai raconté n'était que des histoires. Il ne faut jamais croire aux histoires. Je te disais ce que ma mère me racontait parce qu'elle l’avait entendu raconter par sa mère qui le tenait de sa mère. Malheur à toi ! Les fleurs n'ont probablement jamais existé. Tu aurais beau marcher mille ans sous la terre, jamais tu ne trouverais l'archi-druide qui est parti au royaume des fées.
Mais le fils ne l’écouta même pas, il prit son baluchon et s’en alla. Les gens du pays qui le voyaient passer se moquaient de lui :
– Ce garçon est fou ! disaient-ils. Il n’y a que les fous qui croient aux histoires.
Le jeune homme se dirigea vers l'ouest. Il marcha longtemps, longtemps, longtemps et arriva devant un gouffre , si profond, si profond que le fond en était invisible.
Il tourna autour du trou, mais ne vit aucun sentier, seulement de la roche et des cailloux. Il tourna encore et encore. Las de tourner, il se dit :
– Il faudra bien que je découvre un chemin. L'archi-druide a dû le prendre pour atteindre le fond du gouffre.
Il inspecta avec attention les rochers et finit par découvrir une petite marche. En regardant de plus près, il aperçut une autre petite marche et puis encore une autre. Lorsqu’il baissa les yeux vers le fond du gouffre, il aperçut un escalier et il se mit à descendre et à descendre encore.
A la fin du premier jour, il s’arrêta sur une terrasse. Le fond du gouffre n'était pas visible et la lumière du soleil ne parvenait plus jusqu'à lui, alors il alluma la première des sept torches qu'il avait emmenées. Il en fit de même le deuxième, puis le troisième, puis le quatrième puis le cinquième puis le sixième jour. Il commençait à se décourager quand, au soir du septième jour, il aperçut enfin le fond. A force de courage et malgré la fatigue accumulée depuis sept jours, il parvint à l’atteindre. Arrivé tout en bas, il aperçut une source. Il se pencha pour y boire un peu d'eau. Au premier contact de l’eau sur ses lèvres, toute sa fatigue s’évapora. Il se sentit fort et heureux comme jamais dans sa vie. Tout à coup, derrière lui, il entendit une voix qui lui demanda ce qu'il était venu chercher dans le plus profond des gouffres de la terre.
– Je suis venu, dit-il, pour rencontrer l'archi-druide et lui demander de nous rendre des fleurs et des insectes. Mon pays, la Cornouaille bretonne, sans fleurs, sans oiseaux et sans abeilles, est triste à mourir. Seule le beauté peut rendre les gens bons et je suis certain que les gens de mon pays cesseraient d'être méchants, si l'archi-druide leur redonnait les fleurs.
Alors, le jeune homme se sentit soulevé par un vent venu de nulle part. Il fut transporté délicatement vers le pays des fleurs éternelles. Le vent le déposa sur le sol au milieu d'un tapis de fleurs multicolores. Le jeune homme ne pouvait en croire ses yeux. Il y en avait tant et jamais il n'avait imaginé que les fleurs puissent être aussi belles ! Dans l’air, un délicieux parfum flottait et une lumière solaire dansait sur le sol multicolore comme des milliers et des milliers d'arcs-en-ciel. La joie du jeune homme fut si grande, qu'il se mit à pleurer.
La voix lui dit de cueillir les fleurs qu'il préférait. Il s’exécuta et en cueillit de toutes les couleurs. Quand il en eut plein les chargés, le vent le reconduisit doucement au fond du gouffre.
Alors, la voix lui dit :
- Rapporte ces fleurs dans ton pays. Désormais, grâce à ta foi et à ton courage, la Cornouaille ne sera plus jamais sans fleurs. Même en hiver les genêts de la lande resteront fleuris. Il y en aura pour toutes les régions. Les vents du nord, de l'est, du sud et de l'ouest leur apporteront la pluie qui sera leur nourriture, et les abeilles vous donneront le miel qu'elles cherchent dans les fleurs.
Le jeune homme remercia et commença aussitôt à remonter vers le soleil. Quand il revint chez lui, les habitants, en apercevant les fleurs et en respirant leur parfum, ne voulurent pas croire à leur bonheur. Puis, quand ils surent qu'ils ne rêvaient pas, ils dirent :
– Ah ! nous savions bien que les fleurs existaient et que ce n'étaient pas des histoires inventées par nos ancêtres.
Et la Cornouaille redevint fleurie. Sur les collines, dans les vallées, près des rivières, des lacs et de la mer, dans les bois, dans les landes et dans toutes les prairies, les fleurs crûrent et se multiplièrent. Tantôt c'était le vent du nord qui amenait la pluie, tantôt le vent du sud, de l'est ou de l'ouest.
Les oiseaux revinrent, ainsi que les papillons et tous les insectes, et surtout les abeilles. Désormais, les gens purent manger du miel, et la joie revint sur la terre.
Quand les hommes virent la Cornouaille transformée grâce au jeune homme qui avait osé ce que personne n'avait cru possible, ils lui demandèrent d'être leur roi. II accepta et il devint un roi bon, courageux et intelligent.
- Rappelons-nous, disait-il, que c'était la méchanceté des hommes qui avait entraîné la disparition des fleurs de notre pays.
Et, comme personne ne voulait recommencer à habiter un désert et à être privé de miel, chacun s'efforça désormais d'être aussi bon que possible, espérant toujours et encore aujourd'hui, le retour de l'archi-druide.

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d'ici-là bonne nuit les ami-e-s et la Family !




Le loup 🐺

 03/03/2021
Autrefois, il y avait beaucoup de loups. Ils n'étaient pas encore les représentants d'une espèce protégée et inspiraient une terreur ancestrale. Pour s'en protéger, on tentait de les prendre au piège en creusant dans les sentiers de la forêt des fosses profondes, plus larges par le bas que par le haut, que l'on recouvrait ensuite de branches.
Un soir du temps du carnaval où l'on l'a tant de mariages dans le pays, un sonneur de biniou rentrait d'une noce où il s'était attardé dans les montagnes noires. Il tomba dans une de ces fosse. Heureusement, il ne s'était pas fait mal. Ce n'est qu'après s'être épousseté et avoir vérifié qu'il n'avait rien de casser qu'il remarqua deux points brillants qui le fixaient depuis le côté opposé du trou.
Il y avait déjà un occupant et pas n'importe lequel : un loup !
Celui-ci qui n'avait pas été à la noce avait le ventre vide, aussi eût-il rompu volontiers son jeûne en croquant le sonneur.
Ses yeux brillaient comme deux tisons ardents dans cette prison ténébreuse. Notre homme se croyait à ses derniers moments. L'instinct de la conservation lui fit prendre la seule arme défensive qu'il eût sous la man, son biniou.
Soufflant de tous ses poumons, espérant je ne sais quoi, il joua l'air de danse le plus endiablé qu'il connaissait.
Le fauve hurla et s'éloigna le plus possible de cette musique inconnue jusqu'ici.
Il se recroqueville, gémit de peur, croyant sans doute que ce fracas inhabituel annonçait la chute imminente du ciel sur sa tête poilue.
Lorsque épuisé de fatigue, le sonneur voulut se reposer, le loup reprit de l'aplomb et s'approcha en grognant, les babines retroussées et bavantes. Le sonneur n'a pas d'autre solution que de recommencer à jouer pour sauver sa vie.
Vers le milieu de la nuit, ayant épuisé toutes ses gavottes et autres danses, il décide d'adopter une autre stratégie.
Il souffle dans son sac et une musique lancinante commence à sortir des tuyaux de son instrument. Une musique qui n'agresse plus les oreilles du loup mais les caresse.
L'animal recommence à grogner et à s'approcher, mais les sons ont quelque chose d'hypnotique.
Le loup se rappelle de sa jeunesse, quand il se blottissait contre sa mère-louve dont la fourrure était si confortable, si soyeuse et si chaude. Rien ne pouvait l'atteindre alors, et il se sentait en totale sécurité.
Il s'approche du sonneur qui continue de jouer sa berceuse, baisse les oreilles puis la tête et vient lui lécher gentiment la main. Le musicien parvient à coincer le sac de son biniou sous son coude et se libère une main pour caresser l'animal.
Les notes de musiques continuent de remplir la fosse, résonnant dans la nuit claire.
Le loup et l'homme n'ont plus peur l'un de l'autre.
L'animal pose sa tête sur le genou du sonneur et se laisse bercer. La musique est un répit dans sa vie sauvage et sa quête perpétuelle de nourriture. La magie du sommeil opère et il finit par s'endormir, au grand soulagement du sonneur qui, épuisé, décide lui aussi de se laisser glisser dans un sommeil réparateur malgré l'inconfort de sa situation.



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hier ira de l'avant
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d'ici là bonne nuit à toutes et tous !



La Cornouaille compte de nombreux géants. Parmi ceux-ci, Kawr, esseulé, dans les entrailles de la terre sous le cap de la chèvre de la presqu'ile de Crozon terrorisait parfois les humains en frappant les plafonds de sa caverne, ce qui faisait trembler le sol. Il lui arrivait même de creuser jusqu'au centre de la terre rien que pour le plaisir de voir la lave jaillir.
Un jour il se mit en quête d'une épouse, mais même parmi les géantes, toutes redoutaient son mauvais caractère et repoussaient ses avances.
Puisque les géantes ne voulaient pas de lui et que les humaines étaient trop petites, Kawr décida de lancer des pierres dans les nuages dans l'espoir d'en faire tomber une des jolies filles qui y vivaient.
Effectivement l'une d'entre elles tomba. Kawr l'emmena avec lui dans les profondeurs de la terre et l'épousa. Elle s'appelait Nimbusia.
Kawr fit tout ce qu'il put pour la rendre heureuse malgré ses manières un peu rustres mais Nimbusia restait mélancolique. Dans le secret de son cœur elle était amoureuse du soleil et ne voulait pas de ce géant mal dégrossi comme mari.
Quelques temps plus tard, Nimbusia donna pourtant naissance à une petite fille que l'on prénomma Erch.
Le géant Kawr l'adora immédiatement. Et même sa mère Nimbusia retrouva en la voyant la joie de vivre malgré sa condition.
En grandissant, Erch se révéla espiègle et les parois rocheuses de la caverne où elle vivait recluse avec ses parents lui parurent bientôt trop étroites, voire étouffantes. Alors elle décida de creuser un tunnel pour voir ce qu'il y avait ailleurs. Elle creusa un peu tous les jours en cachette car elle savait que son père n'aurait pas approuvé de la voir tenter de s'enfuir ainsi.
Lorsqu'elle parvint à la surface, Erch fut émerveillée de voir l'océan, le ciel et le soleil. Elle demeura tellement béate d'admiration qu'elle ne vit pas arriver le dragon blanc du vent du nord qui l'emmena et l'entraîna dans une folle randonnée céleste.
Comme ils se rapprochaient tous les deux du soleil, ce dernier reconnut en Erch les traits de sa mère Nimbusia et en tomba immédiatement amoureux. Il tendit ses bras et emporta Erch, desséchant la terre au passage.
Malheureusement cette dernière était fille de géant mais aussi fille du peuple des nuages. Elle ne supporta donc pas la chaleur du soleil, s'évapora puis fondit en pluie.
Et alors que les gouttes tombaient sur la terre brûlée pour lui redonner vie, les rayons du soleil la caressèrent une dernière fois, formant un arc-en ciel qui émerveilla les géants de sous la terre, les humains et le peuple d'au-dessus des nuages.

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l'abeille

 13/01/2021
Cette histoire est celle d'une abeille, à une époque où ces dernières ne savaient pas encore comment rapporter efficacement du miel à la ruche. Chaque jour, ces pauvres insectes devaient faire d'innombrables allers-retours en portant des petits paniers qu'ils remplissaient de poudre de fleur, ramenant péniblement leur fardeau à la ruche avant de repartir dare-dare pour tout recommencer. Il s'agissait là d'un travail long et fastidieux, auquel les abeilles ne prenaient aucun plaisir, mais qu'elles accomplissaient pourtant sans se plaindre malgré les blessures qui étaient fréquentes. Chacune savait à quel point la reine avait besoin du pollen, et chacune était heureuse de servir, bien qu'elles eussent toutes aimé avoir un procédé plus efficace pour le faire.
Un jour, une ouvrière qui ramenait difficilement son panier rempli de pollen vers son foyer entendit un bruit. Cela ressemblait à un gémissement plaintif. Ayant toujours été l'une des abeilles les plus curieuses, elle s'arrêta quelques instants afin de tendre l'oreille. Aucun doute possible, de petits couinements émanaient d'une des fleurs qui se trouvaient en-dessous d'elle. Intriguée, elle décida d'aller voir de plus près de quoi il retournait.
Quand elle se posa entre les pétales, heureuse de pouvoir laisser son lourd panier ne serait-ce que pour quelques secondes, elle vit la source du son si particulier. Une jeune abeille, si jeune qu'il s'agissait probablement de son premier jour en tant qu'ouvrière chargée d'acheminer du pollen, reposait près du centre de la fleur, pleurant à chaudes larmes.
En s'approchant, l'autre insecte comprit rapidement pourquoi ; la pauvre créature s'était froissée une aile et était donc incapable de continuer à voler. Ayant voulu trop bien faire pour sa première mission, elle avait pris une charge bien trop importante de poudre de fleur avec elle. Le poids l'avait déséquilibrée, la faisant se cogner et se blesser. Essayant de ne pas lui faire peur, l'abeille s'approcha de la petite mal-en-point.
– Bonjour toi. Ça n'a pas l'air d'aller. Veux-tu que je t'aide à retourner à la ruche ?
– Pardon, répondit-elle en sanglotant, mais je ne peux pas voler. Vous seriez obligée de me porter, mais vous n'y arriveriez pas avec votre pollen.
– Hmmmm...tu as sans doute raison. Je devrais peut-être rentrer pour prévenir les autres...
– Non s'il-vous-plaît ! La nuit va tomber, je ne veux pas rester seule ! J'ai si peur, je n'ai jamais été seule dehors ! Je vous en prie, ne me laissez pas !
Touchée par ses suppliques, l'abeille accepta de rester avec la blessée et se coucha près d'elle, la réchauffant et la consolant. Le lendemain, dès que le soleil se leva, le courageux insecte laissa sa petite congénère pour repartir le plus vite possible vers la ruche, abandonnant même son propre panier. Quand elle arriva, toutes les autres abeilles l'entourèrent, mécontentes. Comment osait-elle revenir, sans rapporter de poudre de fleur ? Intimidée, elle ne se laissa pourtant pas démonter et expliqua ce qu'il s'était passé, disant qu'il fallait envoyer de l'aide. Soudain, une de ses camarades l'interrompit.
– Regarde, fit-elle. Tu es couverte de pollen !
En effet, après sa nuit dans la fleur, son corps tout entier contenait autant de poudre qu'un panier rempli. Cette découverte remplit toutes les autres abeilles de joie. Enfin, un moyen plus efficace et moins fatigant de nourrir la reine ! Immédiatement, toute rancœur fut oubliée. On envoya une équipe chercher la petite blessée, qui fut ramenée à bon port et se remit rapidement de ses blessures.
Depuis ce jour, les abeilles appliquent à la lettre la méthode trouvée de manière fortuite par leur amie si secourable et chaque soir, elles se couchent pour s'endormir au sein des fleurs, rapportant joyeusement le pollen à la ruche au matin suivant.
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la rose

 12/01/2021
La Cornouaille est un pays magique où il arrive souvent aux animaux de parler et où chaque plante, chaque fleur, est sous la protection d'un korrigan.
Fripouille était l'un de ceux-là et s'occupait de la plus belle rose, selon lui évidemment, de la région. C'était une rose rouge pour laquelle il avait volé plusieurs rayons du soleil couchant avant de les lui offrir. Malheureusement rien n'est éternel et la fleur de Fripouille, comme toutes les autres fleurs, finit par se faner l'envoyant du même coup au bureau de reconversion des korrigans.
Comme il n'y avait rien pour lui en ce moment et qu'il craignait de « traverser la rue » pour trouver du travail à cause de tout ce qui s'y passait, le korrigan prit les chemins de traverse, longea la mer et arriva jusqu'à une petite maison en surplomb de la baie de Douarnenez.
Sur le seuil, une jeune fille pleurait.
Demeurant caché, Fripouille comprit petit à petit que le frère de cette dernière l'avait empêchée de voir le garçon dont elle était amoureuse parce qu'il était trop pauvre. Du coup, l'objet de son cœur était parti à la guerre tenter de faire fortune afin de revenir riche et la demander en mariage. Un courrier avec quelques affaires venait d'apprendre à la jeune fille qu'il ne reviendrait jamais.
Elle ne pouvait s'arrêter de pleurer.
Le korrigan attendit qu'elle rentre dans sa maison puis y pénétra à son tour la nuit venue. Il récupéra les quelques affaires revenues dans le colis, les fouilla et sembla y trouver quelque chose : une mèche de cheveux, qu'il posa au fond d'un pot et recouvrit de terre. Il émietta chaque motte consciencieusement avec ses petites mains et alla recueillir quelques larmes sur les joues de la jeune fille tandis qu'elle dormait, larmes qu'il versa ensuite sur la terre.
Il dissimula le pot dans la maison, allant recueillir chaque nuit des larmes sur les joues de la jeune « veuve avant d'être mariée » pour venir ensuite les verser sur la terre.
Cela dura des mois, tant la jeune fille semblait inconsolable.
Un jour une petite pousse verte sortit de terre que Fripouille chouchouta et cajola comme s'il s'agissait d'un de ses enfants. La petite pousse se fortifia, grandit, s'allongea et le korrigan continuait à prendre soin d'elle.
Finalement une rose rouge apparut, une rose bizarre en forme de cœur au parfum original de vétyver.
Le korrigan jugea que le temps était venu.
La nuit suivante, il sortit et replanta la fleur dans le jardin de la maison de la jeune fille inconsolable. Il susurra quelques mots à la lune dans le ciel et cette dernière fit venir des nuages qui arrosèrent copieusement la rose rouge d'une eau douce et tiède.
L'unique grandit et se ramifia sur tout un pan de mur.
Le lendemain matin, lorsque la jeune fille se leva, elle respira et sentit un parfum de vetyver qui était l'odeur préférée de son ancien amoureux. Cela la fit sourire et apaisa un peu son chagrin.
Dehors le soleil et les oiseaux qui chantaient l'invitaient à sortir et puis, elle voulait savoir d'où provenait cette odeur si chère à son cœur. Lorsqu'elle parut sur le seuil de sa maison, son regard fut attiré sur le côté par un énorme buisson de roses qui n'était pas là le jour d'avant.
Comme elle réalisait que l'odeur qu'elle aimait tant en provenait. Elle vit alors que le buisson formait le dessin du visage de son bien-aimé qui lui souriait.
Depuis chaque soir, elle passe une dernière fois devant le rosier odorant, prend de grandes respirations puis va se coucher le sourire aux lèvres et au cœur le souvenir du garçon qu'elle aimait tant et qui a su revenir près d'elle.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



le teuz

 09/01/2021
Il était une fois, il n'y a pas si longtemps une petite fille prénommée Anna qui faisait la fierté de ses parents tant elle était courageuse et gentille.
Chaque jour, après l'école lorsqu'elle avait fini ses devoirs, elle proposait d'aider pour les différentes tâches ménagères. La réponse de sa maman était toujours la même :
– Merci ma chérie, mais si tu parviens à garder ta chambre propre et rangée, tu nous aideras déjà beaucoup.
Alors Anna s'appliquait à ranger ses jouets lorsqu'elle avait fini de les utiliser. Elle remettait les livres sur les étagères quand elle avait fini de les lire, elle refaisait son lit chaque matin, elle faisait les poussières et balayait, bref, sa chambre était toujours impeccable.
Cela n'était pas mais alors pas du tout du goût du teuz (drôle de korrigan) de la maison dont la fonction principale était, comme tous ses congénères, d'aider à maintenir la propreté du foyer.
– Qu'est-ce que ceci ? disait-il avec mauvaise humeur. Voilà une petite fille qui me retire le pain de la bouche. Voudrait-elle me mettre au chômage qu'elle ne s'y prendrait pas autrement ! Qu'est ce que c'est que ces façons de garder sa chambre si propre ! Ma parole, elle ne veut pas que j'y mette les pieds ! Et bien puisque c'est ainsi, je vais faire exprès d'y passer pendant qu'elle sera à l'école et d'y mettre le bazar !
C'est ainsi qu'un jour Anna trouva sa chambre sans dessus-dessous en revenant de l'école. Elle ne comprit pas ce qui s'était passé, mais pour éviter de donner du travail supplémentaire à ses parents, elle s'appliqua à tout remettre en ordre.
Aussi, le lendemain quand le teuz revint, il trouva la chambre toujours aussi impeccable, ce qui l'agaça au plus au point.
Il recommença à mettre le bazar et ne s'arrêta que lorsque la chambre sembla avoir été visitée par une douzaine de ratons laveurs affamés et persuadés que de la nourriture était cachée quelque part.
N'importe qui aurait été découragé par ce spectacle de dévastation, mais Anna, en revenant de l'école, ne poussa qu'un long soupir et recommença à ranger sans se plaindre une seule fois.
Elle dut faire ses devoirs très tard et fut fatiguée à l'école le lendemain ce qui lui valut quelques reproches par sa maîtresse.
Au bout d'une semaine, le teuz en eut assez.
Chaque jour, il mettait la chambre d'Anna en désordre et chaque jour, elle la rangeait sans se plaindre. Le petit être comprit subitement qu'elle ne faisait pas cela pour lui voler son travail mais bien pour faire plaisir à ses parents. C'était de l'amour et lui, avait répondu à cette démonstration d'amour par de la mesquinerie. Il avait honte de lui.
Alors, un soir, pour se faire pardonner et sans avoir dérangé quoi que ce soit dans la chambre d'Anna, il laissa sur le lit de cette dernière un oreiller.
Oh ce n'était pas un oreiller ordinaire.
Il était d'une belle couleur bleue et gonflé par des dizaines des plumes les plus petites, les plus douces et les plus légères d'oiseaux qui avaient l'habitude de voler près du soleil et ramené des bouts de ciel coincés dans leurs ailes.
Ces bouts de ciel coincés offraient de la fraîcheur quand on posait sa tête sur l'oreiller, mais ce n'était pas tout. Le petites plumes contenaient aussi les histoires des vents, qu'elles racontaient quand on dormait afin de faire les plus beaux rêves qui soient : des rêves toujours heureux de dragons, de princesses et de châteaux.
A partir de ce jour, Anna trouva toujours sa chambre impeccable, comme elle l'avait laissée en partant à l'école. Elle ne sut jamais d'où lui venait son nouvel oreiller mais elle ne chercha pas à comprendre et les nuits magnifiques qu'il lui faisait passer suffit à son bonheur pour le restant de ses jours.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
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Pour répondre à de nombreuses demandes à ce sujet:

le triskell est un symbole pré-celtique composé de trois spirales à l'origine commune dans un cercle.

Il est admis par les scientifiques que la spirale représente la course du soleil dans le ciel:
lorsque vous voulez dessiner la course du soleil dans le ciel sur une longue période (par exemple en plantant un bâton dans le sol et en marquant le bout de son ombre à différents moments de la journée), vous obtenez une succession d'arcs de cercle vers le haut ou vers le bas selon la période de l'année.

Les anciens croyaient que lorsque le soleil disparaissait à l'horizon, il allait sous la terre ou la mer, au pays des morts, avant de reparaître le lendemain matin dans celui des vivants. Il devenait alors logique pour eux de relier la fin d'un arc de cercle au début du suivant par un arc de cercle inversé. D'où le symbole de la spirale.
Puisque la spirale est le symbole connu de la course du soleil dans le ciel entre un équinoxe et un solstice soit pendant une période de trois mois.
3 spirales= 3 x 3 mois soient 9 mois.
9 mois dans un cercle c'est un symbole du principe de maternité, donc de la déesse-mère primordiale, pour les civilisations mégalithiques.
Le triskell est donc à l'origine une représentation symbolique de la déesse-mère pour les populations pré-celtiques.
Il deviendra plus tard assimilé à diverses trinités, celtiques puis chrétiennes.



Le roi Aquin

 06/01/2021

Peu de gens connaissent la légende du troisième roi du Menez-Hom, pourtant elle a donné naissance à un des premiers romans de langue romane au XIIIème siècle:

Aquin, roi viking, profita de la guerre de Charlemagne contre les saxons dans l’Allemagne actuelle pour envahir et occuper la Bretagne pendant une petite trentaine d’années.
Même si les érudits ne sont plus très sûrs de son existence réelle, sa lutte contre l’empereur à la barbe fleurie a été consignée dans une chanson de geste datant du douzième siècle: le roman d'Aquin.
À cette époque, les trouvères ne chantaient que les héros de la matière de France, c’est-à-dire les légendes tournant autour de Charlemagne et de ses preux, ou bien la vie des saints.
Ici pas de merveilleux ni de créatures bizarres ou féeriques. Pas d’allusion non plus aux légendes arthuriennes dont les rois d’Angleterre n’avaient pas encore fait la promotion pour justifier leur légitimité.
Aquin était un roi « Norrois », ce qui voulait dire viking, qui, par un effet de mode de l’époque et comme Méchant de l’histoire, ne pouvait qu’être Sarrazin et adorateur d’un dieu appelé Tervagant.
Charlemagne lui envoie des émissaires afin qu’il se convertisse et lui jure allégeance mais Aquin refuse. Il s’ensuit une série de batailles rangées où Francs et Bretons s’unissent pour repousser l’envahisseur Aquin et ses guerriers. Ce dernier doit abandonner Vannes où il avait fait construire une tour de guet. Il part si précipitamment qu’il en oublie un de ses petits-fils nouveau-nés. Le bébé sera recueilli par Charlemagne qui l’élèvera à sa cour et lui donnera pour nom « du guet de l’Aquin » qui deviendra plus tard « du Guesclin » dont Bertrand, un des nombreux descendants se rendit si célèbre lors de la guerre de cent ans.
Le roi Aquin ne cesse de reculer face aux assauts des Bretons et des Francs. Il termine sa retraite dans la forêt de Nevez près de Locronan, qui était alors beaucoup plus étendue qu’aujourd’hui, puisqu’il en chasse Saint Corentin qui se trouvait près de Plomodiern.
Aquin mourut finalement au pied du Menez-Hom, défait en combat singulier par Nominoé, gouverneur de la Bretagne pour Charlemagne qui en profite pour rétablir sa domination sur la péninsule armoricaine.




une groac'h

 05/01/2021
Sur la presqu'île de Crozon se trouvait il y a longtemps une groac'h (sorcière) très puissante, vieille, bossue, jaune et maigre, avec de grands yeux rouges et un nez crochu. Le jour, elle prenait l'apparence d'un serpent et allait téter le lait des vaches des fermes alentours directement au pis, pour le plus grand désespoir des fermiers. Ces derniers la soupçonnaient, mais, ne possédant aucune preuve et la craignant, ils préféraient se taire.
La groac'h habitait une cabane dans les bois de Landevennec. Elle avait bien des pouvoirs, comme celui de pétrifier les garçons qui s'approchaient trop près de sa cabane pendant la nuit ou de transformer les jeunes filles en oiseaux multicolores qu'elle prenait ensuite plaisir à mettre en cage.
Sa cabane était devenue une vraie volière avec plus de sept mille volatiles chantant, piaillant, criant leur tristesse d'être réduit à l'état d'oiseau.
Un soir, deux amoureux, Dominig et Enora se perdirent dans les bois de Landevennec alors que le jour tombait. Le temps était sombre et la nuit qui vint bientôt se révéla particulièrement sombre. Aussi lorsqu'ils virent une lumière au loin, ils s'y dirigèrent tout droit, tout contents de trouver trace de civilisation en cet endroit hostile.
Malheureusement, comme vous devez certainement vous en douter, la lumière émanait de la cabane de la groac'h.
Lorsqu'ils s'en approchèrent, Enora n'eut pas le temps de crier en voyant Dominig se pétrifier qu'elle-même se trouvait transformée en oiseau. Elle tenta de s'envoler mais la groac'h sortit précipitamment de sa cabane, l'attrapa et l'enferma dans une cage.
Deux énormes bras de bois sortirent ensuite de chaque côté de la cabane qui attrapèrent les grosses branches à leur portée. La cabane s'en alla ensuite à la manière des singes en se balançant de branches en branches, laissant le pauvre Dominig pétrifié et seul.
Ce dernier fut donc tout surpris quand le soleil se leva.
Après bien des pérégrinations, il parvint à retrouver le chemin de sa maison. Ses parents, inquiets, lui demandèrent ce qui s'était passé puis, une fois qu'il eut tout raconté, l'envoyèrent trouver Tadig Coz dans les monts d'Arrée, un vieux curé qui passait pour savoir presque tout sur tout.
Tadig Coz écouta attentivement Dominig.
– La groac'h de la presqu'île est très puissante, dit-il ensuite. Il existe un moyen de délivrer ta promise du mauvais sort qu'elle lui a jeté mais il va te falloir être courageux.
– Je ferai ce qu'il faudra pour retrouver Enora, répondit Dominig.
– Alors écoute-moi bien : il y a longtemps, la groac'h était mariée. Au début elle aimait son mari. Elle l'aimait tellement qu'elle lui a donné une fleur magique capable de la changer, elle, définitivement en serpent et de lever les sorts qu'elle avait jetés. Puis elle en a eu assez de lui et la transformer en ours, mais l'ours s'est enfui en emportant la fleur magique avec lui pour être sur qu'elle ne lance pas des chasseurs après lui. Il vit maintenant dans une grotte dans les montagnes noires. Trouve-le, récupère la fleur et tu pourras délivrer Enora.
Dominig remercia le vieux prêtre puis s'en retourna chez lui où il se laissa tomber sur son lit et s'endormit, épuisé par la journée qu'il venait de passer.
Si mon histoire n'est pas fini, il est quand même temps d'aller au lit.
Quand vous vous réveillerez
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les korrigans

 01/01/2021
Les korrigans sont invisibles à l’œil humain, normalement personne ne peut les voir sauf lorsqu'ils sortent sous la lune. Toutefois il existe un moyen de les observer pendant le jour : il faut regarder à travers une pierre ronde percée trouvée dans une rivière ou se frotter les yeux avec un galet en forme d’œuf.
Il est cependant nécessaire de se montrer très prudent car s'ils s'en aperçoivent, les korrigans ont une fâcheuse tendance à se venger en vous jouant les plus méchants tours, voire à essayer de vous crever les yeux.
Certains humains peuvent les voir naturellement : le septième enfant d'une famille a ce don.
Lilwenn est de celles-là. Elle partage ce don avec bon nombre d’enfants. Il est plus rare que cela perdure au-delà de l’adolescence. Ceux pour lesquels c’est le cas deviennent souvent des artistes ou des rêveurs un peu mélancoliques car lorsqu'on a vu les merveilles de la féerie, on trouve souvent notre monde un peu terne.
En ce qui concerne Lilwenn, elle se contente d’observer. Les korrigans sont ses voisins. Elles mènent tranquillement leurs vies, tout comme eux, et il serait malpoli de se mêler de leurs affaires.
D’autant que les korrigans sont malicieux.
Lilwenn les aimaient bien. Dans son jardin, un couple élevait leur enfant né au printemps. La famille vivait lovée entre les racines d'un des pommiers de son jardin, celui qui donnait les plus beaux fruits. Nul doute d'ailleurs dans l'esprit de la jeune fille que les deux choses étaient liées.
C’était de bons voisins. Ils ne lui subtilisaient des victuailles qu’en hiver, lorsque le jardin se vidait des fleurs et fruits dont ils raffolaient. Lilwenn détournait les yeux ou accusaient tantôt un écureuil, tantôt une souris quand ses parents se plaignaient.
Elle pouvait se permettre de soutenir leur famille avec quelques grains de raisin et une petite pomme de terre par ci par là. Lorsqu’elle n’avait rien à leur taille, elle découpait des fruits et légumes et les laissaient traîner près de la fenêtre entrouverte.
C’est cette fenêtre que Lilwenn vint fermer un beau soir avant d’aller se coucher. La cuisine n’était éclairée que par la lueur de la pleine lune. Le rectangle de lumière s’étalait sur l’îlot central et Lilwenn se figea en apercevant l’ombre d’un korrigan s’agitant de droite à gauche au pied d'un des murs. Voilà qui était bien étrange.
En y regardant plus attentivement, la jeune fille réalisa qu'il s'agissait du petit enfant korrigan pris dans un piège collant destiné aux souris. La petite créature se débattait sans parvenir à se dégager et les force commençaient à lui manquer.
Lilwenn se pencha et, délicatement, l'aida à se dépêtrer.
Quand ce fut fait, l'enfant korrigan alla rejoindre ses parents qui se tenaient dans un coin afin de voir comment les choses allaient évoluer et ce qu'allait faire Lilwenn.
Soulagé, le père fit signe à son épouse et son enfant de repartir entre les racines du pommier, ce qu'ils firent en disparaissant dans l'instant.
Lui resta là, sans un mot, devant la jeune fille qui venait d'aider son fils.
Avec ses mains, il fit des gestes arrondis dans l'air et un tas de pièces d'or apparut.
– En remerciements, se contenta-t-il de dire avant de disparaître à son tour.
Lilwenn ramassa les pièces et se rendit dans sa chambre. Elle savait qu'elle aurait beaucoup de mal à expliquer le lendemain à ses parents comment elle les avait eues, mais pour l'instant, peu lui importait.
Elle se contenta de savourer l'instant présent et de se coucher le sourire aux lèvres.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
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d'ici-là bonne nuit à toutes & à tous !



le Far du Diable !

 30/12/2020
Terre du Milieu, oubliée par les anges et les dieux, peuplée de fées et de korrigans, l’Arrée est si pauvre que le schiste, le grès et le granite y poussent en abondance, s’épanouissent à fleur des landes rases et prospèrent en éperons émoussés par les vents. Dans ce riant paysage, Mayonne se souvient avoir entendu murmurer que les villages des sommets, de Trédudon à Botmeur, n’eurent jamais assez d’herbe pour élever un bœuf de boucherie, ni assez de froment pour engraisser un descendant des Rohans. Mais, soyons honnête, si les gens du pays ont longtemps manqué de blé et de bestiaux, ils auraient pu grâce à tous ces cailloux bâtir des châteaux en Espagne… ou tailler des statues gigantesques.
Au pied du mont Saint-Michel-de-Brasparts, sur les flancs roussis de fougères et empourprés de bruyère, se trouvait une rangée d’étranges pierres debout, appelée An Eured Vein ou Noce de Pierres, jetée là par quelque korrigan effronté ou géant facétieux. Personne n’y traînait trop car on murmurait que maléfices et sortilèges y tournoyaient dans la brume. La proximité du Yeun Elez incitait par ailleurs à la plus grande prudence, ce dont témoigne d’ailleurs Anatole Le Braz dans sa Légende de la Mort : « Lorsqu’on arrive au cœur du Yeun, on se trouve devant une plaque verdâtre, d’un abord dangereux et de mine traîtresse, dont les gens du pays prétendent qu’on n’a jamais pu sonder la profondeur. C’est la porte des ténèbres, le vestibule sinistre de l’inconnu, le trou béant par lequel on précipite les « conjurés ». Cette flaque est appelée le Youdig (la petite bouillie) : parfois son eau se met à bouillir. Malheur à qui s’y pencherait à cet instant : il serait saisi, entraîné, englouti par les puissances invisibles. »
Sur le bord du Yeun Elez, non loin, vivait un impécunieux et sombre paysan qui passait pourtant pour le plus riche du canton, c’est dire si les autres étaient plongés dans une pauvreté crasse. Tous les ans, il tuait et salait un cochon maigrelet, moissonnait son content de blé noir et mangeait de la soupe presque à sa faim. Comble du luxe sur ces terres ingrates, il se faisait faire tous les ans une paire de sabots neufs ainsi qu’à sa bien jolie jeune sœur avec qui il vivait seul depuis si longtemps que personne n’avait le souvenir d’avoir jamais connu leurs parents. Aussi, passaient-ils tous deux pour fiers dans le pays. Le frère aîné laborieux et taciturne refusait d’ailleurs systématiquement la main de sa sœur aux prétendants qui, pourtant, ne manquaient pas dans le canton tant le minois de la demoiselle alimentait tous les fantasmes à mille lieues à la ronde. Parmi eux, se trouvait un brave jeune travailleur, qui louait ses bras dans toutes les fermes de l’Arrée, fort joli garçon –mais la beauté, dit-on, ne se mange pas en salade- et qui n’avait apporté pour légitime, en venant dans le monde, que sa droiture et sa bonne volonté. La jeune sœur du riche paysan de l’Arrée, silencieuse, couvait pourtant des yeux ce bel indigent qui, devant le refus irrévocable du frère aîné et n’osant, pour tout dire, passer outre par respect pour les usages et la belle, en était donc réduit à la dévorer du regard à la dérobée.
Arriva cette année-là, sans grande surprise et comme les autres années, la nuit de Noël. Comme les autres années, tous les gens de la ferme se trouvèrent réunis dès le crépuscule, et, avec eux, les indigents alentours dont notre amoureux transi. Les maîtres de la maison, qui voulaient montrer leur grand cœur et faire profiter de leur fortune, avaient préparé un kig ha farz de lard, d’andouille et de légumes, avec un far noir brujuné accompagné d’un lipig apprécié des beg lipous, festin qu’un farz kokelenn de froment au miel d’ajonc –estocade finale- allait clore. Alors que tous les yeux étaient tournés vers le foyer généreux, sauf ceux des deux épris qui échangeaient à la dérobée des regards embrasés, voilà qu’au moment où les bancs étaient près de la table et les cuillers de bois plantées en rond dans la marmite, un vieil homme poussa brusquement la porte et souhaita bon appétit à tout le monde…
C’était un pauvre hère, mi herboriste, mi mendiant, dont les honnêtes gens se méfiaient, l’accusant sous cape de mille maux, notamment de jeter des sorts, de défier les fées, de tutoyer les korrigans et de fournir des herbes psychotropes et mydriatiques aux lutteurs de gouren de l’Arrée –ce qui d’ailleurs, pour ce dernier point, n’était pas loin de la vérité, mais c’est une autre histoire-. Avec effroi, dans tout le pays, les grands-parents affirmaient à leurs petits-enfants terrifiés, le soir à la veillée, que cet étrange personnage avait le pouvoir de se transformer en gobelin à volonté. Encore aujourd’hui, on manque de preuve même si, murmure-t-on, il n’y a pas de fumée sans feu.
Mais on était là à la veillée de Noël et le fermier, surmontant le trouble de chacun, lui permit de s’approcher du foyer, lui fit donner un escabeau à trois pieds et une écuelle généreusement garnie. Quand le sorcier -car s’en était un à l’évidence- eut fini de manger, il demanda à se coucher, et on alla lui ouvrir l’étable où il n’y avait qu’un vieil âne pelé et un bœuf maigre. Le mendiant se coucha entre eux pour avoir chaud, en appuyant sa tête sur un sac de lande pilée. Les yeux mi-clos, il fit semblant de plonger dans le sommeil du Juste –qu’il n’était pas d’ailleurs-. Minuit sonna à la Chapelle Saint-Michel au sommet du mont. Le vieil âne secoua alors ses longues oreilles et se tourna vers le bœuf maigre.
-Mon ami, comment vous portez-vous depuis la Noël dernière? demanda-t-il d’un ton amical.
-Hélas ! Douze mois ont passé, marmonna le vieux bœuf, et nous voilà encore plus perclus que l’an passé… Mais cette année est exceptionnelle et je m’en réjouis !
-Que va-t-il se passer ? demanda l’âne, qui avait notoirement une mémoire de poisson rouge.
-Comment ? reprit le bœuf, ne savez-vous donc pas que, tous les cent ans, au Nouvel An, les pierres levées de la Noce de Pierres vont boire à la rivière Ellez et que, pendant ce temps, les trésors qu’elles cachent restent à découvert ?
-Ah ! Mais vous dites vrai, je m’en souviens maintenant, interrompit l’âne, confus. Mais les pierres reviennent si vite à leur place, qu’il est impossible de les éviter et qu’elles vous écrasent si vous n’avez point, pour vous en préserver, une touffe de poils noirs et blancs d’une hermine empaquetée dans le cœur d’une fleur d’asphodèle d'Arrondeau, précisa sentencieusement l’âne qui avait recouvré la mémoire.
-N’oubliez pas, mon cher ami, le reprit le bœuf, un brin agacé par l’imprécision crasse de son voisin d’étable, que les trésors emportés tombent en poussière éparpillés par un vent maléfique si l’on ne donne en retour une âme amoureuse : il faut le sacrifice d’un Grand Amour pour que le démon vous laisse jouir en repos des richesses de l’Arrée.
Le mendiant, qui se trouvait bien sûr là à dessein, ne perdait pas une miette de cette conversation qu’il attendait depuis près de cent longues années. Bien cher stupide bétail, songea-t-il, in petto, grâce à vous, me voilà bientôt plus riche et plus puissant que tous les magiciens et que toutes les fées de l’Arrée ! Patience et longueur de temps…
A l’aurore, blanche et glacée, il battait déjà la campagne à la recherche d’une asphodèle d’Arrondeau et d’une imprudente blanche hermine porteuse d’un toupet noir. Autant dire que ce n’était pas gagné pour la fleur d’Asphodèle car on était tout de même fin décembre. Mais notre odieux personnage, qui était, on l’a dit, botaniste avisé et sorcier affûté, avait plus d’un tour dans son sac. Il s’enfonça résolument dans le Yeun Elez, réchauffant l’air et la terre par ici à l’aide d’un sortilège et capturant une innocente hermine à l’aide d’un filet à papillon ensorcelé. Toujours est-il qu’il reparut dans la lande rase des Noces de Pierres, à la fin du jour de la saint-Sylvestre, avec la figure d’une belette qui a trouvé le chemin du colombier.
Comme il passait sur la lande, il aperçut le jeune amoureux occupé à frapper avec un marteau pointu contre la plus haute des pierres.
— Que faites-vous donc ici ! s’étonna le sorcier.
— Je suis malheureux comme ces pierres, répondit-il, tournant vers l’importun son regard triste. Et j’ai pensé que si je traçais un cœur amoureux sur une des pierres maudites, je ferais une chose agréable aux fées. Peut-être entendraient-elles ma peine.
— N’auriez-vous point quelque chose à leur confier concernant la si belle jeune fille que je vous ai vu dévorer des yeux à la Noël alors que tout le monde se régalait de kig-ha-farz et de farz kokelenn ? susurra perfidement le mendiant.
Stupéfait, le feu aux joues, le jeune paysan énamouré le regarda les yeux écarquillés.
— Vous, vous avez remarqué cela quand son frère ne voit rien de la sincérité et de la pureté de ce Grand Amour qui me dévore? s’étonna-t-il, douloureusement. Malheureusement, ma pauvreté me condamne au désespoir et à la solitude. Elle me cloue sur place, sur une chaise bancale: je n’ai le droit ni de me lever, ni d'aller voir ailleurs, ni d’aimer ma mie. Comme une spirale de malédiction.
— Et si je te faisais avoir plus de louis d’or que le frère de ton grand amour ne possède de réales ? dit le sorcier à mi-voix.
— Vous ? Mais, qu’exigeriez-vous de moi en contrepartie ?
— Rien qu’un souvenir dans tes yeux amoureux.
— Ainsi, il n’y aurait pas besoin de compromettre mes valeurs, mes croyances, mon intégrité ?
— Il n’y aurait besoin que de courage.
— Alors, dites-moi ce qu’il faut faire ! s’enflamma le jeune homme, en laissant tomber son marteau, je suis prêt, car j’ai moins de goût à vivre qu’à aimer.
Le mendiant alors lui confia, sous le sceau du secret, comment, cette nuit, les trésors légendaires de la lande seraient tous à découvert, mais en omettant toutefois de citer le moyen d’éviter les pierres au moment de leur retour.
Se retirant à l’abri des bruyères et des ajoncs, non loin de la Noce de Pierres, ils patientèrent donc tous les deux, assis sur les talons.
— Allons, dit le sorcier, pensez à ce que vous ferez quand vous aurez à discrétion l’argent, l’or et les pierreries.
— Quand j’aurai l’argent à discrétion, je donnerai à ma douce amoureuse tout ce qu’elle souhaite et tout ce qu’elle a souhaité, depuis la toile jusqu’à la soie, depuis le pain jusqu’aux oranges.
— Et quand vous aurez l’or à volonté ? ajouta le sorcier.
— Quand j’aurai l’or à volonté, reprit le garçon, je ferai riches tous les parents de mon amoureuse et tous les amis de ses parents jusqu’aux dernières limites du bout du monde.
— Et quand vous aurez enfin les pierreries à foison ? acheva le vieil homme.
— Alors, s’écria le jeune homme, je ferai tous les hommes de la terre riches et heureux, et je leur dirai que c’est ma belle amoureuse qui l’a voulu.
Minuit arriva dans le froid glacé qui s’ouvrait sur janvier. À l’instant même, il se fit un grand bruit sur la lande et l’on vit, à la clarté des étoiles, toutes les grandes pierres quitter lourdement leurs places et s’élancer vers le Yeun Elez. Elles descendaient le long du coteau en froissant la terre, en se heurtant comme une troupe de géants maladroits, et disparurent dans la nuit.
Le mendiant se précipita alors vers la bruyère suivi du jeune homme. Aux places où s’élevaient un peu auparavant les grandes pierres, ils aperçurent des puits remplis d’or, d’argent et de pierreries qui montaient jusqu’au bord. La nuit engourdie de ce début janvier en fut illuminée. Le jeune paysan poussa un cri d’admiration; mais le sorcier se mit aussitôt à remplir de grands sacs, en prêtant l’oreille du côté de la rivière.
Il finissait de charger le troisième, tandis que le jeune homme l’aidait, lorsqu’un murmure sourd comme celui d’un orage gronda au loin. Les pierres avaient fini de boire et revenaient prendre leurs places. Elles s’élançaient, filaient lourdement sur la lande, froissant la bruyère et brisant les ajoncs.
-Nous sommes perdus! s’émut le jeune homme.
-Non pas moi, se réjouit perfidement le sorcier, qui brandit son talisman de fleur d’asphodèle d’Arrondeau et de poils noirs et blancs d’hermine, car j’ai ici mon salut ! Mais il fallait aussi qu’un stupide amoureux perdît la vie pour m’assurer ces richesses! »
L’armée de pierres arrivait : le diabolique ensorceleur présenta son bouquet magique et elle s’écarta à droite et à gauche pour se précipiter vers le jeune amoureux éperdu et perdu. Il se laissa tomber à genoux, ferma les yeux pour percevoir une dernière fois le souvenir charmant du visage de son Grand Amour. La grande pierre qui volait en tête s’arrêta tout à coup, et, bloquant le passage, se plaça devant lui, comme une barrière pour le protéger. Le jeune paysan, étonné, releva la tête, et reconnut la pierre sur laquelle il avait gravé le cœur amoureux : mue par un pur amour, portée par lui, elle ne pouvait plus nuire à un Grand Amour.
Elle resta immobile devant le jeune homme jusqu’à ce que toutes ses sœurs eussent repris leur place puis s’élança comme un oiseau pour reprendre aussi la sienne, et rencontra sur son chemin le mendiant que ses pesants sacs retardaient. La voyant fondre sur lui, il voulut présenter bouquet ensorcelé; mais la pierre de l’amour n’était plus soumise aux enchantements du démon, et elle passa brusquement, en écrasant le sorcier comme un insecte, dans un désagréable craquement. Bien fait.
Un silence étourdissant retomba sur l’Arrée alors qu’une pâle et chaude lumière se posait sur l’amoureux interdit : sa dulcinée lui apparut dans un halo bienveillant. « Je suis la fée du Yeun Hellez. Je suis chargée de veiller sur le trésor ensorcelé de l’Arrée. Ton aide désintéressée et ton pur amour m’ont été bien précieux ce soir pour préserver le secret de la Noce de Pierres. Je te choisis donc pour partager ma vie jusqu’à la fin des temps, si tu le veux encore… ». Elle posa alors l’extrémité de son index sur le bout du nez de l’amoureux émerveillé qui oublia instantanément son aventure et se réveilla au banquet de son mariage au bras cette plus jolie fille du monde dont il avait tant rêvé. Ils vécurent longtemps, profondément heureux, lui, devenu le tailleur de pierre le plus talentueux de ce monde, parsemant la vallée de Carnoet de statues gigantesques, comme une étrange obsession dont il ne comprit jamais le sens. Sa lumineuse épouse ne se départit jamais d’un étrange sourire.
Tous les ans, à la Noël, ils continuent d’offrir aux passants alentours ce qui porte désormais le nom de Far du Diable, au froment et au miel, qui cuit dans sa marmite et dans l’âtre...
Quand vous vous reveillerez
Hier ira de l'avant
Et demain sera aujourd'hui
D'ici là bonne nuit a toutes & tous !





Aodren

 26/12/2020
Un soir, Aodren un petit villageois alla puiser de l’eau dans un vieux puits au cœur des monts d'Arrée. C'était un puits qui était sensé porter bonheur si on y jetait une pièce. En remontant le seau de bois, il vit quelque chose briller au fond. C’étaient des pièces percées, ces monnaies anciennes qu’autrefois on appelait des sous. Depuis longtemps elles n’avaient plus cours mais le soleil couchant les teintait de nuances d’or. Aodren redescendit le seau et, à plusieurs reprises, en remonta de nouvelles.
La somme était modeste. Pourtant c’était la première fois qu’il voyait autant d’argent car sa famille était pauvre. Émerveillé, il saisit une pièce entre ses doigts, mais elle glissa et tomba. En touchant le sol, elle se changea en un petit serpent aussi beau qu’un bijou. Dressé comme une épée sur sa queue, il dit :
— Merci Aodren. Tu m’as délivré d’un mauvais sort qu'une groac'h m'avait jeté parce que j'ai mangé son fiancé qu'elle avait transformé en lézard. Cette nuit, va enterrer les pièces que tu as récupérées sous ta maison. Quand tu seras grand, le jour où tu voudras partir vivre ta vie, tu creuseras la terre et tu trouveras à cet endroit un trésor à la place de tes vieilles pièces. Mais n’en parle à personne, sinon tu vivras toujours pauvre.
À la nuit tombée, muni d’une bêche et cachant ses sous dans ses poches, Aodren courut retourna vers sa maison. Son cœur battait très fort. Dans sa hâte, le garçon n’avait pas remarqué que ses poches étaient percées. À mesure qu’il courait, toutes les pièces s’en échappèrent et lorsqu'il arriva chez lui, il ne lui restait plus rien.
Devenu grand, le jeune homme chercha du travail dans les commerces et les fabriques. Mais sa vie professionnelle fut un échec cuisant. Il était maladroit et tout lui échappait des mains. Il cassait les objets, les renversait, si bien qu’aucun patron ne voulut le garder. Il n’aimait pas non plus le travail de la terre et ne voulut jamais devenir paysan.
Il n’était doué que pour le chant. Il composait des poèmes et sa voix était magnifique, mais on se moquait de lui parce qu’il n’avait pas de vrai métier.
— C’est un raté, raillaient les villageois, incapable de gagner son pain et d’avoir de l’argent, même quand il en trouve ! Il devrait se faire sorcier ou charmeur de serpents !
Peu à peu, ignoré et moqué de tous, le pauvre Aodren tomba dans la misère et finit à la rue.
Une nuit, désespéré, il retourna près du vieux puits et lui confia son malheur. Le serpent qu'il avait délivré du mauvais sort revint vers lui, apportant une mystérieuse boîte noire.
Elle contenait un violon. Dès qu’il posa l’instrument sur son épaule et prit l’archet, celui-ci se mit à jouer tout seul une danse endiablée.
Quel était ce miracle ? C’était la première fois qu’il avait un violon entre les mains et il savait en jouer !
Plein d’espoir, il s’en alla sur le ruban sans fin des routes et des chemins. Contre quelques pièces que lui jetaient les passants, il chantait tandis que son violon jouait seul des airs de danse. Sa musique avait le pouvoir de guérir tous les maux du corps et de l’esprit. Au son des danses endiablées, les mal aimés retrouvaient l’amour, les vieillards leur jeunesse, les malades la santé, et tous se mettaient à sauter et danser.
Tous les matins, dès qu'Aodren saisissait l’archet entre ses doigts malhabiles, le violon l’entraînait jusqu’au cœur des villages. Alors l’âme des gens, parfois si alourdie des peines de la vie, se soulevait de joie le temps d’un air de danse. Jusqu’à son dernier jour, Aodren parcourut la terre entière en semant des notes de bonheur sur son passage.
Il ne réalisa jamais ses rêves de richesse, mais chaque soir, contre un peu de musique et le bonheur qu'elle apportait, on lui offrait un dîner chaud et copieux puis une chambre au lit confortable.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



les trois arbres

 23/12/2020
Il y a longtemps dans la forêt de Huelgoat, trois arbustes rêvaient à ce qu’ils voudraient devenir quand ils seraient plus grands.
Un jour, le premier regarda les étoiles qui brillaient comme des diamants au-dessus de lui.
— Je veux abriter un trésor, dit-il. Je veux être recouvert d’or et rempli de pierres précieuses. Je serai le plus beau coffre à trésor du monde.
Le deuxième arbre, lui, regarda la petite rivière d'argent qui suivait sa route vers l’océan.
— Je veux être un grand voilier, dit-il. Je veux naviguer sur de vastes océans et transporter des rois puissants. Je serai le bateau le plus fort du monde.
Le troisième petit arbre regarda les maisons où des hommes et des femmes s’affairaient.
— Moi, je veux pousser si haut que lorsque les gens s’arrêteront pour me regarder, ils lèveront les yeux au ciel et penseront à Dieu. Je serai le plus grand arbre du monde.
Les années passèrent. Les pluies tombèrent, le soleil brilla et les petits arbres devinrent grands. Un jour, trois bûcherons s’approchèrent d’eux.
Le premier bûcheron regarda le premier arbre et dit :
— C’est un bel arbre. Il est parfait.
En un éclair, abattu d’un coup de hache, le premier arbre tomba. "Maintenant, je vais être un coffre magnifique, pensa le premier arbre. J’abriterai un merveilleux trésor".
Le deuxième bûcheron regarda le deuxième arbre et dit :
— Cet arbre est vigoureux. Voilà ce qu’il me faut.
En un éclair, abattu d’un coup de hache, le deuxième arbre tomba. "Désormais, je vais naviguer sur de vastes océans, pensa le deuxième arbre. Je serai un grand navire digne des rois".
Le troisième arbre sentit son cœur flancher quand le bûcheron le regarda. "N’importe quel arbre me conviendra", pensa-t-il. En un éclair, abattu d’un coup de hache, le troisième arbre tomba.
Ils furent ensuite embarqués sur un bateau où ils restèrent à fond de cale jusqu’à ce qu’ils arrivent dans le pays de Palestine qu’ils ne connaissaient pas.
Le premier arbre se réjouit lorsqu’on l’apporta chez le charpentier, mais le charpentier était bien trop occupé pour penser à fabriquer des coffres. De ses mains calleuses, il transforma l’arbre en mangeoire pour animaux. L’arbre qui avait été autrefois très beau n’était pas recouvert d’or ni rempli de trésors. Il était couvert de sciure et rempli de foin pour nourrir les animaux affamés de la ferme.
Le deuxième arbre sourit quand on le transporta vers le chantier naval, mais ce jour-là, nul ne songeait à construire un voilier. A grands coups de marteau et de scie, l’arbre fut transformé en simple bateau de pêche. Trop petit, trop fragile pour naviguer sur un océan ou même sur une rivière, il fut emmené sur un lac, un grand lac certes, mais seulement un lac. Tous les jours, il transportait des cargaisons de poissons morts qui sentaient affreusement fort.
Le troisième arbre devint très triste quand on le coupa pour le transformer en grosses poutres qu’on empila dans la cour.
— Que s’est-il passé ? se demanda l’arbre qui avait été autrefois très grand. Tout ce que je désirais, c’était de rester dans ma forêt.
Beaucoup de jours et de nuits passèrent. Les trois arbres oublièrent presque leurs rêves. Mais une nuit, la lumière d’une étoile dorée éclaira le premier arbre au moment où une jeune femme plaçait son nouveau-né dans la mangeoire.
— J’aurais aimé pouvoir lui faire un berceau, murmura son mari.
La mère serra sa main dans la sienne et sourit tandis que la lumière de l’étoile brillait sur le bois poli.
— Cette mangeoire est magnifique, dit-elle.
Des rois vinrent se prosterner devant le bébé que le premier arbre protégeait, et soudain, le premier arbre sut qu’il renfermait le trésor le plus précieux du monde.
D’autres jours et d’autres nuits passèrent, mais un soir, trente-trois années plus tard, un voyageur fatigué et ses amis s’entassèrent dans la vieille barque du pêcheur. Tandis que le deuxième arbre voguait tranquillement sur le lac, le voyageur s’endormit. Soudain, l’orage éclata et la tempête se leva. Le petit arbre trembla. Il savait qu’il n’avait pas la force de transporter tant de monde en sécurité dans le vent et la pluie. Le voyageur s’éveilla. Il se leva, écarta les bras et dit :
— Paix !
La tempête se calma aussi vite qu’elle était apparue. Et soudain, le deuxième arbre sut qu’il était revenu en Armorique pour que le personnage capable de commander aux éléments puisse voir sa grand-mère Anne. L'arbre comprit alors que l'humain qu'il transportait était un des plus importants du monde.
À quelque temps de là, un vendredi matin, le troisième arbre fut fort surpris lorsque ses poutres furent arrachées à la pile de bois oubliée. Transporté au milieu des cris d’une foule en colère et railleuse, il frissonna quand les soldats clouèrent sur lui les mains d’un homme. Il se sentit horrible et cruel. Mais le dimanche matin, quand le soleil se leva et que la terre toute entière vibra d’une joie immense, le troisième arbre sut que l'homme qui était mort sur lui était maintenant ressuscité et que le monde entier allait changer.
Dieu dans le ciel avait manifesté sa puissance sur terre. Il avait rendu le premier arbre beau. Il avait rendu le second arbre fort. Et à chaque fois que les gens penseraient au troisième arbre ils penseraient à Dieu. Voilà qui était beaucoup mieux que d’être le plus grand arbre du monde.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



Nolwenn

 21/12/2020
Nolwenn habitait dans un petit village des montagnes noires. Ses parents, des paysans farouches, n’avaient jamais pensé à l’envoyer à l’école, ni au catéchisme d’ailleurs. C’est pourquoi Nolwenn n’avait jamais pensé à la religion. Elle ne savait même pas ce que c’était. Cela ne l’empêchait pas d’avoir un cœur d’or.
Sa famille était si pauvre qu’elle habitait dans une vieille cabane de rondins grossiers au milieu d’une clairière isolée dans la forêt.
Nolwenn n’avait pas de lit pour dormir, à peine quelques vêtements pour se vêtir et du pain de châtaignes pour manger.
Elle songeait souvent que le monde entier les avait abandonnés, elle et sa famille. Personne ne venait jamais jusqu’à leur clairière, accessible uniquement par un sentier à peine visible dans les hautes herbes.
Cependant, ils parvenaient quand même à survivre grâce à la débrouillardise de la jeune fille qui trouvait toujours quelques châtaignes, quelques champignons, quelques épis de blé sauvages récoltés çà et là.
Lorsque sa récolte dépassait leurs besoins, elle descendait au village pour les vendre, ou les échanger contre un peu de viande.
C’était le cas aujourd’hui. Nolwenn vit tout de suite que quelque chose n’était pas comme d’habitude : les arbres de la place avaient été décorés de lumières multicolores. Des mots composés de lettres scintillantes avaient été accrochés au-dessus des rues sans qu’elle ne comprenne ce qu’ils signifiaient.
Tous les magasins rivalisaient de merveilles exposées dans leurs vitrines. Comme c’était beau !
En cherchant le meilleur emplacement pour poser son panier, Nolwenn rencontra une vieille femme qui lui dit :
— S’il te plaît petite fille, donne-moi quelque chose à manger, j’ai si faim.
Nolwenn qui avait un cœur d’or lui donna aussitôt des châtaignes. Elle fit même un feu pour réchauffer la vieille et les faire cuire.
— Mille mercis, jeune fille, lui dit la vieille femme. Sans toi, je serais morte de faim.
Nolwenn poursuivit son chemin et arriva près d’une fontaine au milieu d’une petite place. L’endroit était calme et tranquille… Au fond du bassin se trouvaient des pièces de petite monnaie que des gens avaient jetées pour faire un voeu. Nolwenn en remplit son panier puis se désaltéra avec l’eau fraîche de la fontaine. C’est alors, qu’elle entendit des petits gémissements… Elle fit le tour du bassin et découvrit deux enfants qui pleurnichaient. Apeurés, ils reculèrent et se serrèrent l’un contre l’autre contre le rebord en pierre de la fontaine
— N’ayez pas peur les petits ! Je ne vous ferai pas de mal. Mais pourquoi pleurez-vous ainsi ?
— Nous…nous…nous sommes perdus, bégayèrent les enfants entre deux sanglots.
— Mais où habitez-vous?
— Oh, très loin, répondirent les enfants, mais nos parents sont ici pour le marché de Noël. Ils logent chez madame Le Goizec, la couturière.
— Calmez-vous, je sais où elle habite et vais vous indiquer le chemin. Mais prenez ces châtaignes encore chaudes, elles vous réconforteront.
Et Nolwenn indiqua la route aux enfants puis reprit son chemin dans le village. Déjà, le pâle soleil d’hiver se couchait. Elle se mit alors à ramasser tout ce qu’elle put trouver pour le feu, car les nuits sont parfois très froides sous le ciel de Bretagne et on avait du mal à colmater les « jours » entre les rondins dans les murs de la pauvre cabane !
Alors qu’elle s’apprêtait à rentrer, Nolwenn entendit une faible voix qui appelait. Elle vit alors un vieillard tout grelottant, étendu sur le chemin. Aussitôt, Nolwenn le couvrit avec son châle et s'inquiéta:
— Mais que faites-vous là, par terre, à cette heure?
— Ah petite! Il y a longtemps que je suis étendu ici… J’étais venu faire quelques courses alors que le soleil était encore haut. Mais voilà, je suis tombé et je n’arrive pas à me relever tant ma jambe me fait mal.
— Attendez, je vais vous soigner!
Nolwenn avait justement un peu de plantain avec elle. Elle couvrit la plaie du vieillard et lui fit un solide bandage avec le morceau de drap qui traînait dans sa poche. Elle aida alors l’homme à se relever puis à rejoindre sa petite maison, dans le village, au pied des montagnes noires. Là, elle fit un bon feu avec ce qu’elle avait ramassé afin de réchauffer le vieil homme.
— Oh, merci, chère petite! s’exclama le vieillard. Tu as vraiment un cœur d’or! Dieu te le revaudra, j’en suis sûr!
Nolwenn ne comprit pas ce qu’il voulait dire mais maintenant, il faisait nuit. Elle se hâta de rejoindre sa mère qui devait s’inquiéter. Certes, elle n’avait plus de fruits à manger, ni de châle pour se réchauffer, mais elle se sentait si heureuse d’avoir rendu service. Malgré le froid de la nuit, régnait une douce chaleur au fond de son cœur. Cependant bientôt Nolwenn se retrouva seule, perdue dans ce bois qu’elle ne connaissait pas… Elle tâtonnait dans le noir, essayant de repérer les collines qu’elle parcourait chaque jour, lorsqu’elle entendit une voix qui murmura:
— Toi qui n’avais rien, tu as tout partagé. Toi qui te sentais abandonnée, tu as soulagé les autres… Suis maintenant le chemin des étoiles et garde confiance!
C’est alors qu’une multitude d’étoiles éclairèrent la route de Nolwenn. Elles formaient un chemin et brillaient de plus en plus pour guider les pas de la jeune fille. Nolwenn croyait rêver tant le chemin était illuminé. C’est alors qu’elle aperçut un être aux bois de cerf tout auréolé de lumière qui s’approcha et lui dit :
— N’aie pas peur, jeune fille! Je suis Cernunnos, dieu de la forêt, des trésors et de la fécondité. J'ai vu ton cœur d’or et je souhaite te récompenser. Continue de suivre les étoiles.
À nouveau les étoiles semblaient former un chemin comme pour indiquer la route… Nolwenn les suivit de nouveau. Elle ne trébuchait plus, tant leur lumière l'éclairait.
Lorsqu'elles s'arrêtèrent, la jeune fille réalisa qu'elle était dans une clairière au centre de laquelle se trouvait un énorme dolmen à l'intérieur duquel quelque chose brillait.
Nolwenn s'approcha. La terre s'ouvrit devant elle et une tribu de Korrigans en sortit pour commencer à danser autour d'elle.
« Voilà Nolwenn, chantaient-ils, la jeune fille qui a de l'or dans le cœur. Comme elle ne peut pas voir celui qu'elle a à l'intérieur, il nous faut lui en donner à l'extérieur ! »
D'autres korrigans apportèrent alors un vieux chaudron rempli de pièces plus brillantes les unes que les autres.
Ils le déposèrent aux pieds de la jeune fille qui n'osa pas y toucher, effrayée qu'elle était par ces petits êtres noirs aux yeux rouges.
« C'est pour elle, c'est pour elle » chantèrent les korrigans, puis ils retournèrent sous la terre.
Ce ne fut que lorsque le silence retomba sur la clairière que Nolwenn osa s'approcher. Elle toucha d'abord le chaudron pour vérifier qu'il était réel, alors, constatant que c'était le cas, elle se décida à le prendre.
Une brise se leva qui fit bruisser à l'unisson tous les arbres de la forêt en une mélodie douce de clochettes et de grelots, parfaitement adaptée à cette nuit de Noël.
Lorsqu'elle revint chez elle, elle montra le chaudron à ses parents et voulut leur donner la moitié des pièces qu'il y avait à l'intérieur, mais ô miracle : le chaudron ne se vidait pas.
Nolwenn et sa famille restèrent à l'abri du besoin jusqu'à la fin de leurs jours. Chaque soir ils purent s'endormir le ventre plein et l'esprit confiant en l'avenir.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



Un soir, ketty ne voulait pas dormir, trop excité de voir sa famille s’affairer à décorer toute la maison pour le réveillon, alors Maman est venue la voir.
— Maman, je voudrais tellement qu’il neige pour Noël.
— Tu sais, la météo, ce n’est pas simple et puis ici en Bretagne, nous sommes près de la mer et il ne fait pas souvent assez froid pour la neige.
— Mais j’aimerais tellement !
— Et bien, la nuit de Noël est magique alors on ne sait jamais…Maintenant je vais te lire une histoire pour t’aider à t’endormir.
La mère d'ketty ouvrit le grand livre de Noël celui des contes et des légendes, qu’elle aimait tant et, une fois encore, la recette fit miracle. Dans son lit, la tétine à la bouche, blotti tout contre sa mère, l’enfant se laissa bercer par sa voix. Il glissa peu à peu dans le merveilleux pays du sommeil, sans même s’en apercevoir.
Sa maman posa alors le livre sur la table de chevet, éteignit la lumière et, après avoir déposé un dernier baiser sur le front d'ketty , referma doucement la porte de la chambre derrière elle.
Un grand silence prit dès lors possession de la chambre. C’est à peine si l’on entendait la respiration légère de la petite fille allongé dans son lit.
Mais ce fut de courte durée car, vers minuit, c’est ce moment-là que choisit le grand livre pour s’animer ! Il s’ouvrit, déplia lentement ses pages une à une, puis s’étira avec nonchalance. Aussitôt, treize teuz malicieux et un chien noir s’en échappèrent. Les teuz se firent la courte échelle pour descendre en pouffant de rire, tandis que le chien noir sauta directement sur le tapis au pied du lit et s’assit !
Constatant qu’ils étaient trop bas, les teuz râlèrent puis se disputèrent en chuchotant, s’accusant mutuellement de ne pas avoir assez réfléchi avant de descendre du livre.
Finalement, après s’être donnés mutuellement quelques coups sur la tête, ils entreprirent l’ascension du lit et s’assirent en tailleur, près de l’oreiller, tandis que le chien restait assis dans son coin préférant le confort moelleux du tapis au pied du lit.
Tous observèrent la petite ketty, pendant quelques instants. Comme cette dernière dormait toujours, un des teuz se mit à sauter sur son ventre.
— Réveille-toi, réveille-toi ketty : C’est bientôt Noël!
Ketty se réveilla et les contempla avec étonnement. Elle se frotta d’abord les yeux pour être sûr de ne pas rêver. Mais il fallut bien se rendre à l’évidence, les teuz étaient toujours là devant elle.
Celui qui semblait le plus bavard parmi eux et qui lui avait sauté sur le ventre, prit la parole
— Et bien ? Tu ne nous reconnais pas ?…Nous sommes les teuz de ton livre ! Nous venons de Tir-Na-Nog, le pays des fées et nous exauçons les vœux des enfants sages. Les chenapans n’ont droit qu’à une branche d’ajoncs dans leurs chaussures et on espère qu’ils se feront caresser les fesses avec.
Le chien s’approcha à son tour. Ketty, pas très rassurée devant ce gros molosse plein de poils, remonta sa couette jusqu’aux yeux pour se protéger. À sa grande surprise, l’animal aussi lui adressa la parole :
— Moi je suis là pour les enfants qui ne sont vraiment pas sages : ceux qui se battent à plusieurs contre un seul, volent des choses qui ne leur appartiennent pas, ou sont méchants avec leurs parents qui les aiment.
— Mais tu parles ?
— Comme tous les animaux pendant la nuit de Noël ketty. Je sais que tu es une enfant sage, toi. Mais tu pourras prévenir ceux qui sont comme je l’ai dit que, s’ils ne changent pas d’attitude, je vais venir les chercher et les emmener au Yeun Ellez.
— Pour aller où ?
— Il vaut mieux que tu ne le saches pas, crois-moi. C’est un endroit horrible.
— C’est obligé que tu les emmènes ?
— C’est la coutume, ici en Bretagne, pour Noël.
Puis le chien bondit dans le grand livre et disparut !
— ketty, nous avons fait ce long voyage depuis chez nous pour exaucer un de tes vœux, alors réfléchis bien car comme je viens de te le dire, tu ne peux en demander qu’un seul. Que veux-tu ? Des bonbons ? De l’argent ? Des jeux vidéo ? La neige pour Noël ? Nous t’avons entendu tout à l’heure, lui dit le teuz avec un clin d’œil complice.
Ketty réfléchit un court instant puis sourit.
— Je ne souhaite qu’une chose : que tous ceux que j’aime bien soient heureux pour l’année qui vient. Je sais que s’ils le sont, moi aussi je le serais. Tant pis pour la neige !
Les teuz dansèrent de joie. Une pluie d’étoiles délicates et multicolores descendit du plafond et recouvrit le lit, le sol et les jouets de la chambre. La pièce fut illuminée par de minuscules gouttelettes irisées et changeantes. À la vue de cette merveille, ketty battit des mains de bonheur. Puis, mystérieusement, tout disparut : les lutins et l’étrange averse… La petite fille dormait de nouveau paisiblement, sous la couette, dans le silence de la nuit.
Au matin, Maman le réveilla avec une joyeuse impatience:
— ketty, viens vite voir! Et, joignant le geste à la parole, elle ouvrit la fenêtre et elle poussa les persiennes… L’enfant vit alors un jardin magnifique. Durant toute la nuit, la neige était tombée et, à présent, recouvrait toits et arbres. Elle tapissait le moindre recoin de son village d’une lumineuse blancheur immaculée.
Ketty se sentait bien, extraordinairement bien. Elle comprenait que les teuz avaient réalisé son vœu et qu’elle l’avait gratifié d’un petit bonus parce qu’elle avait pensée aux autres avant de penser à elle-même. L’année qui s’annonçait allait être merveilleuse.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



Mimi.... 2/2

 16/12/2020
Le lendemain, Mimie la chaussette vit qu'elle était dehors sur le lino de la buanderie. C'était le petit matin. Elle reconnut le panier à linge en plastique bleu et, à travers les trous, interrogea le linge présent. La chemise qu'elle réveilla lui dit avec mauvaise humeur que non, ça faisait un certain temps qu'on avait plus vu de chaussettes comme elle par ici.
C'est alors qu'une culotte s'extirpa du tas de linges et cria à Mimie :
– Si, si. Moi je l'ai vue. Je sais où elle est. Dans la chambre de la petite, dans une boîte à bricolage. Elle y était encore hier.
Mimie la remercia chaleureusement et se dirigea vers la chambre de l'enfant de la maison. Elle connaissait chaque mètre carré du plancher qu'elle avait parcouru aux pieds de la fillette qui détestait mettre des chaussons.
Il ne lui fallut pas longtemps pour entrer dans la chambre, contourner le coffre à jouets et grimper dans le tiroir à bricolage.
Dès qu'elle apparut au dessus du rebord, un cri de joie l'accueillit :
– Mimie, c'est toi ! Je croyais t'avoir perdue !
Sa jumelle, Mumue, était là. Les deux chaussettes s'étreignirent très fort.
Mimie s'étonna :
– Mais que fais-tu dans ce tiroir soeurette ? Oh ! Comme c'est joli toutes tes décorations, ces boutons de nacre et ces fils de laine colorés !
– Oui, répondit Mumue. Je suis une marionnette maintenant et c'est assez amusant. Mais tu m'as tellement manqué ! Qu'est-ce que je suis contente que tu sois là !
Toutes à leur joie, elles n'avaient pas remarqué la petite soquette rouge en laine bouclette tapie au fond du tiroir et qui s'était rapprochée.
– Tu n'aurais pas vu ma sœur à moi par hasard ? demanda-t-elle à Mimie. Je suis sans nouvelles d'elle depuis des semaines.
– Mais si ! s'exclama Mimie. C'était même ma meilleure amie au pays des chaussettes orphelines.
– Pourrais-tu m'y conduire ? Moi je refuse de finir en marionnette ou pire, en rembourrage de coussin.
Mimie n'était pas très chaude pour retenter l'aventure en sens inverse, surtout maintenant qu'elle avait retrouvé sa sœur. Cependant la détresse de la soquette l'émut.
– D'accord ! Je te conduis jusqu'à la machine et je t'indiquerai comment retrouver ta jumelle, mais il faut partir tout de suite tant qu'il ne fait pas complètement jour.
Alors la courageuse petite Mimie guida la soquette jusqu'à la trappe et lui expliqua la marche à suivre pour se rendre au pays des chaussettes orphelines.
Elle terminait ses explications lorsqu'un bruit feutré de pattes souples et agiles se fit entendre.
Le monstre poilu était là, moustaches frémissantes, oreilles pointées dans leur direction.
Mimie l'avait déjà vu s'en prendre à un bouchon de plastique qui traînait par-terre. Le pauvre n'avait eu aucune chance et avait fini déchiqueté entre les griffes et les crocs du fauve. Alors elle cria à la petite
soquette :

– Vas-y ! Fais ce que je t'ai dit. Moi je vais l'attirer plus loin.
Elle se roula en boule, comme les chaussettes de sport l'avaient tant de fois obligé à le faire puis elle attira le monstre loin de la machine. Elle faillit bien se faire attraper mais se réfugia sous un meuble hors de sa portée.
Le chat, car c'était bien de lui dont il s'agissait, finit par se lasser et, à la fin de la journée, elle put sortir de sa cachette et rejoindre Mumue dans son tiroir.
Pour la première fois depuis des semaines, Mimie était heureuse. Sa sœur et elle papotèrent encore et encore puis, vaincues par le sommeil, finirent par s'endormir pelotonnée l'une contre l'autre.

Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !


Mimi .....1/2

 15/12/2020
– Ça ne va pas ma petite Mimie ?
Tu es toute pâlichonne !
Et c'était vrai que les rayures d'ordinaire si joyeusement colorées de la petite chaussette paraissaient mornes et ternes, comme éteintes.
Mimie n'osait pas regarder le vieux bas de laine grise tout usé et ravaudé, mais si doux et si perspicace.
Elle était sûre qu'elle ne pouvait plus lui cacher ses sentiments.
Mais le vieux bas de mamie continua.
– Tu sais, moi aussi, lorsque je me suis retrouvée seul, coincé derrière la commode et que ma famille a déménagé en me laissant là, je me suis sentie perdue, mais une autre famille est arrivée et puis le teuz* de la maison m'a ramené plein de petites chaussettes orphelines comme toi et maintenant je les accueille et les rassure.
– Mais ma jumelle me manque tellement !
Mimie se lança enfin, déballant tout ce qu'elle avait sur le cœur :
– J'apprécie tout ce que tu fais pour nous, mais ici ma seule amie est la petite soquette en laine bouclette rouge. Je ne m'entends pas trop avec les chaussettes de sport. Elles sentent mauvais et veulent toujours me mettre en boule et se servir de moi comme 'un ballon. Ce n'est pas un jeu très drôle. Et puis je sens que ma jumelle s'ennuie autant que moi.
Devant une telle détresse, le vieux bas réfléchit et dit :
– Il y a bien un moyen de sortir d'ici et de retourner dans le monde des humains mais peu ont tenté l'aventure et personne n'en est revenu.
Mimie entrevit une lueur d'espoir dans sa solitude.
– Je veux essayer, grand-père !
– Très bien ma petite, alors écoute, en te faufilant derrière le tuyau de la machine à laver, tu peux te glisser à travers le joint du tambour, mais c'est étroit et dangereux car la machine peut se mettre en marche à tous moments. Là tu passes par la trappe de vidange. Une fois dehors il te faudra échapper au monstre poilu qui erre dans la maison. Je l'entends encore parfois. Te sens-tu prête pour une telle aventure ?
Mimie, à l'évocation de tous les obstacles qu'il lui faudrait franchir avait senti sa détermination faiblir, mais la pensée de sa jumelle aussi triste qu'elle balaya ses peurs.
– Oui, affirma-t-elle, montre-moi le chemin s'il te plaît.
– Alors, viens ! Suis-moi ! Tu es courageuse et tu nous manqueras.
– Toi aussi grand-père tu me manqueras et la petite soquette aussi.
Tous deux parcoururent le pays des chaussettes orphelines et arrivés au pied du mur où le tuyau de la machine à laver pendait, accroché à son robinet, le vieux bas serra la petite chaussette contre lui.
– Vas maintenant ! Et sois sûre que tu auras toujours ta place ici.
– Merci pour tout, répondit Mimie dans un sanglot.
Elle s'élança dans les entrailles noires de la machine sous le panneau d'acier. Elle mit un peu de temps à s'orienter puis à tâtons, pataugeant dans des flaques mi-gluantes, mi-feutrées de pilous agglutinés, elle sentit enfin la surface souple du joint.
Alors au prix de moult efforts et contorsions, elle parvint à passer de l'autre côté.
Pourquoi était-ce si dur dans ce sens alors que cela avait été si facile dans l'autre !
Elle se souvenait que lors de l'essorage, elle avait été éjectée du tambour et s'était retrouvée plaquée contre une paroi froide. C'est là que le teuz de la maison l'avait ramassée et emmenée au pays des chaussettes orphelines. Où était-il maintenant celui-là ? Elle aurait bien besoin de lui.
Ses réflexions l'avaient conduite jusqu'à la trappe de vidange. Un rai de lumière filtrait et dessinait un rectangle très net. Pousser la trappe fut moins difficile que prévu. La machine commençait à être vieille, elle avait déjà au moins un an et tout le monde sait que maintenant ces engins ne vivent pas très vieux.
Mimie se laissa tomber et se glissa sous la machine pour se reposer. Le voyage avait été épuisant.
Si mon histoire n'est pas finie, il est quand-même temps d'aller au lit.
(*Le teuz=Le génie de la maison prenant l'apparence de nain dans la légende celtique. )
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



suite et fin ....3/3

 14/12/2020
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Le lendemain, le prince fut réveillé par une caresse sur la joue.
— Nous allons commencer nos danses dit la fée, et, ce soir à l’heure où le soleil se couchera, je me pencherai vers toi, et je te dirai : « Viens avec moi. » Prends bien garde de m’écouter ! Tu subiras cette épreuve tous les soirs pendant cent ans ; mais chaque jour tu deviendras plus fort pour résister à la tentation, et à la fin, tu n’y penseras plus. Aujourd'hui c’est la première épreuve ; te voilà averti.
Et la fée le conduisit dans une grande salle construite avec des lis d’une blancheur transparente, les filaments jaunes de chaque fleur formaient une petite harpe d’or qui rendait des sons enchanteurs. Des jeunes filles belles et gracieuses, vêtues de crêpes onduleux, se livraient à la danse et chantaient en même temps les délices de leur existence et toutes les merveilles du jardin du Paradis, qui doit fleurir éternellement.
La journée passa rapidement. Le soleil descendit à l’horizon, et le ciel prit une teinte d’or rougeâtre qui donna aux lis l’éclat des roses.
Les jeunes filles présentèrent au prince un vin mousseux qu’il but avec délices. Le fond du salon s’ouvrit et l’arbre de la science se montra au jeune homme dans un tel éclat que ses yeux en furent éblouis.
Un chant doux et harmonieux comme la voix de sa mère se fit entendre, et il semblait dire : « Mon enfant, mon cher enfant ! »
Alors la fée l’appela ; et le prince vola vers elle, oubliant sa promesse dès le premier soir. Cependant, en approchant de l’arbre, il eut un moment d’hésitation : mais il en triompha bien vite.
« Il n’y a pas de péché, se dit-il, à suivre la beauté pour l’admirer. J’ai encore assez d’empire sur moi pour ne pas enfreindre sa défense. »
La fée tira à elle quelques branches de l’arbre, et, un moment après, elle se trouva cachée entièrement,
— Je n’ai pas encore péché dit le prince, et je n’ai pas l’intention de le faire.
À ces mots il écarta les branches. La fée dormait déjà, elle souriait en rêvant ; mais, comme il se penchait vers elle, il vit des larmes dans ses yeux.
— Ne pleure pas à cause de moi, être admirable ! souffla-t-il ; ce n’est que maintenant que je comprends la félicité du Paradis ! Elle coule dans mon sang, elle envahit ma pensée ; je sens dans mon corps terrestre la force du chérubin et sa vie éternelle ! Que la nuit pour moi soit éternelle désormais ! Une minute comme celle-ci, c’est assez de bonheur.
Et il essuya de ses baisers les larmes qui coulaient.
En ce moment, un coup de tonnerre effroyable éclata ; tout s’écroula avec fracas ; le prince vit la belle fée et le Paradis merveilleux s’enfoncer peu à peu dans une nuit épaisse, jusqu’à ce qu’enfin ils ne parurent plus que comme une petite étoile dans le lointain. Un froid mortel pénétra tous ses membres, il ferma les yeux et tomba par terre comme inanimé.
Une pluie froide qui mouillait son visage et un vent piquant qui sifflait autour de sa tête le rappelèrent à lui.
— Qu’ai-je fait ? s’écria-t-il en gémissant ; j’ai péché comme Adam ; pour moi comme pour lui le Paradis est perdu.
Et ouvrant les yeux, il vit au loin une étoile qui brillait comme la dernière lueur du Paradis englouti. C’était l’étoile du matin qui apparaissait dans le ciel.
Il se repéra et vit qu'il était revenu à l'endroit même où le tourbillon l'avait emporter par-dessus les nuages jusqu'au palais de la mère des dragons des vents. Il retourna chez lui, raconta ses aventures et ne put s'endormir tous les soirs qu'en regrettant l'occasion qu'il avait eue de demeurer au Paradis et qu'il avait laissé s'échapper.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous .



...suite ...2/3

 14/12/2020
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Lorsqu'il se réveilla le lendemain, le prince n'en crut pas ses yeux. Étaient-ce des palmiers ou de colossales plantes aquatiques qui poussaient là ? Jamais le prince n’avait vu arbres aussi beaux ni aussi vigoureux. On y admirait de longues guirlandes formées par des plantes étranges entrelacées, telles qu’on les trouve seulement peintes en couleur et en or sur les marges des anciens livres de prières ou autour des lettres initiales.
C’étaient de bizarres collections d’oiseaux et de fleurs. Tout près de là se tenaient une foule de paons avec leurs queues brillantes et déployées ; mais le prince en les touchant vit que c’étaient d’énormes feuilles aux couleurs éblouissantes.
Le lion et le tigre, apprivoisés comme de petits chats, jouaient dans les haies vertes et parfumées ; le ramier, resplendissant comme une perle, frappait de ses ailes la crinière du lion, et l’antilope, ailleurs si craintive, regardait tranquillement et avec envie les jeux des autres animaux.
Une femme aux ailes diaphanes arrive vers eux en voletant, toute en grâce et en finesse. Ses vêtements rayonnent comme le soleil, son visage sourit avec la tendresse d’une mère qui admire son enfant chéri. Elle est jeune et belle, et accompagnée d’une troupe de jeunes filles portant chacune une brillante étoile dans les cheveux.
Le dragon vert lui donne la feuille de l’oiseau phénix, et la fée, car c'était elle, transportée de joie, prenant le prince par la main, l’introduit dans son château, dont les murs semblent tapissés de feuilles de tulipes bigarrées, et dont le plafond, d’une hauteur incommensurable, n’est qu’une grande fleur rayonnante.
Le prince, s’étant approché d’une fenêtre, aperçut l’arbre de la science avec le serpent, et non loin de là, Adam et Ève.
– N’ont-ils pas été chassés ? demanda-t-il en les indiquant du menton.
La fée sourit et lui expliqua comment le temps avait imprimé une image sur chaque carreau, et comment ses images, bien différentes des peintures ordinaires, étaient douées de la vie. Les feuilles des arbres y remuaient, les hommes allaient et venaient, comme dans une glace ; oui, tous les événements de ce monde se reflétaient ainsi dans les vitres en tableaux animés, que le temps seul avait pu produire.
Au milieu de la salle où le prince se trouvait se dressait un grand arbre dont les branches portaient des pommes d’or grosses et petites, scintillant parmi les feuilles vertes. C’était l’arbre de la science. Chaque feuille laissait tomber une goutte de rosée rouge et brillante comme une larme de sang.
– Montons en bateau, dit la fée, nous nous rafraîchirons sur l’eau légèrement agitée ; le bateau s’y balance sans avancer, tandis que tous les pays du monde passent devant nos yeux.
Que le mouvement du rivage était étrange ! Le prince vit défiler les hautes Alpes couvertes de neige, avec leurs nuages et leurs sapins noirs ; le cor sonnait mélancoliquement, et les bergers chantaient dans le vallon. Ensuite les bananiers étendirent leurs longues branches jusqu’à la barque ; des cygnes noirs nagèrent sur l’eau ; les animaux et les fleurs les plus bizarres se montrèrent sur la rive. C’était la Nouvelle-Hollande, la cinquième partie du monde, qui passait en présentant la perspective de ses montagnes bleues. On entendait les chants des prêtres, et on voyait danser les peuplades au son du tambour et des tubes d’os. Vinrent ensuite les pyramides d’Égypte, touchant aux nues ; des colonnes et des sphinx renversés, à moitié enfouis dans le sable. Puis apparurent les aurores boréales des pays du pôle c’étaient des feux d’artifice sans pareils. Le prince était ravi au delà de toute expression ; il vit cent fois plus de merveilles que nous ne pouvons en énumérer ici.
— Pourrai-je toujours rester ici ? Demanda-t-il.
— Cela dépend de toi, répondit la fée. Si tu ne te laisses pas séduire, comme Adam, par ce qui est défendu, tu pourras y demeurer éternellement.
— Je ne toucherai pas aux pommes de l’arbre de la science, dit le prince ; il y a ici mille autres fruits aussi beaux qu’elles.
— Éprouve-toi toi-même, reprit la fée, et, si tu ne te sens pas assez fort, repars avec le dragon du Vent d’Est qui t’a amené. Il va nous quitter pour cent années. Toutes ces années-là, si tu restes, ne te paraîtront pas plus longues que cent heures ; cela suffira bien pour la tentation et le péché. Chaque soir, en te laissant, je te crierai : « Suis-moi ! » Je te ferai signe de la main, et tu devras rester en arrière ; autrement tes désirs grandiraient à chaque pas. Tu visiteras la salle où se trouve l’arbre de la science ; je dors sous ses branches parfumées ; je t’appellerai, mais si tu t’approches, le Paradis s’engloutira sous la terre, et tu l’auras perdu pour jamais. Le dragon rouge du vent terrible du désert sifflera autour de ta tête ; une pluie froide et piquante dégouttera de tes cheveux ; la peine et la misère deviendront ton partage.
— Je reste, dit le prince.
Le dragon vert l’embrassa, et dit :
– Sois fort dans cent ans nous nous reverrons. Adieu, adieu.
Puis il étendit ses larges ailes, qui brillaient comme les éclairs en automne, ou comme l’aurore boréale par un hiver rigoureux.
– Adieu, adieu ! répétèrent toutes les fleurs et tous les arbres.
Des files de cigognes et de pélicans s’élevèrent dans les airs et accompagnèrent le dragon du Vent d’Est comme des rubans flottants, jusqu’aux limites du jardin.
— Demain nous commencerons nos danses tentatrices dit la fée au prince. Tu peux te reposer pour l'instant.
Ainsi fit-il.
Si mon histoire n'est pas finie, il est quand même temps d'aller au lit.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



Le lendemain, en s’éveillant, le prince ne fut pas peu surpris de se trouver au milieu des nuages ; le dragon vert du Vent d’Est le portait fidèlement sur ses épaules. Ils montèrent si haut, que les forêts, les champs, les fleuves et les lacs ne semblaient plus à leurs yeux qu’une grande carte géographique coloriée.
– Bonjour, dit le dragon ; tu aurais bien pu dormir encore un peu, car il n’y a pas grand’chose à voir dans le pays plat au-dessous de nous, à moins que tu n’aies envie de compter les églises qui ressemblent à des points blancs sur un tapis vert.
C’est ainsi qu’il appelait les champs et les prairies.
– Je suis bien contrarié, dit le prince, de n’avoir pas fait mes adieux à ta mère et à tes frères.
— Le sommeil t’excuse, répondit le dragon vert du Vent d’Est en accélérant son vol. Tu as du vivre beaucoup d'émotions pour un humain.
Les branches et les feuilles bruissaient sur la cime des arbres partout où ils passaient ; la mer et les lacs s’agitaient, les vagues s’élevaient, et les grands vaisseaux, semblables à des cygnes, s’inclinaient profondément dans l’eau.
À l’approche de la nuit, les grandes villes prirent un aspect bien curieux ; les lumières brillaient ça et là, pareilles aux étincelles qui courent encore autour d’un morceau de papier brûlé. Le prince, au comble de la joie, battait des mains ; mais le dragon le pria de se tenir tranquille, sans quoi il risquerait de tomber et de rester accroché à la pointe d’un clocher.
L’aigle vole facilement au-dessus des forêts noires, mais le dragon vert volait encore avec plus de légèreté.
– Maintenant tu peux voir l’Himalaya, dit le dragon, la plus haute montagne de l’Asie. Bientôt nous serons arrivés au jardin du Paradis.
Ils tournèrent leur vol du côté du Midi, et bientôt le parfum des épices et des fleurs monta jusqu’à eux. Le figuier et le grenadier poussaient d’eux-mêmes, et la vigne sauvage portait des grappes bleues et rouges. Nos deux voyageurs descendirent et se couchèrent sur le gazon moelleux où les fleurs saluaient le dragon vert comme pour lui dire : « Sois le bienvenu. »
– Sommes-nous dans le jardin du Paradis ? demanda le prince.
– Pas encore ; mais bientôt nous serons rendus. Vois-tu cette muraille de rochers et cette grande caverne devant laquelle les branches de vigne forment des rideaux verts ? Il nous faudra passer par là. Enveloppe-toi bien dans ton manteau ; car ici le soleil brûle, mais quelques pas plus loin il fait un froid glacial. L’oiseau qui garde l’entrée de la grotte reçoit sur une de ses ailes, étendue en dehors, les chauds rayons de l’été, et sur l’autre, déployée en dedans, le souffle froid de l’hiver.
Ils pénétrèrent dans la caverne. Ouf ! comme il y faisait un froid glacial ! mais cela ne dura pas longtemps. Le dragon vert étendit ses ailes, qui brillèrent comme des flammes et éclairèrent l’intérieur de la caverne. Au-dessus de leurs têtes étaient suspendus de gros blocs de pierre aux formes bizarres, d’où suintaient des gouttes d’eau étincelantes. Le passage était tantôt si étroit qu’il fallait ramper sur les mains et sur les genoux, tantôt si large qu’on se croyait en plein air. On eût dit des chapelles funèbres avec des orgues muettes et des drapeaux pétrifiés.
– Il faut donc passer par le chemin de la mort pour arriver au Paradis ? demanda le prince.
Mais le dragon vert du Vent d’Est, sans répondre, fit un signe de la patte et montra une magnifique lumière bleue qui brillait du côté où ils se dirigeaient. Les blocs de pierre se transformèrent peu à peu en brouillard, et ce brouillard finit par devenir aussi transparent qu’un nuage blanc et mince, éclairé par la lune. Nos voyageurs se trouvaient dans une atmosphère douce et délicieuse comme celle des montagnes, parfumée telle une vallée de rosiers.
Il y coulait une rivière transparente comme l’air, remplie de poissons d’or et d’argent. Des anguilles rouges comme la pourpre faisaient jaillir des étincelles bleuâtres en se jouant au fond des eaux ; les larges feuilles des roses marines brillaient des couleurs de l’arc-en-ciel; la fleur elle-même était une flamme rouge et jaune alimentée par l’eau, comme une lampe par l’huile. Un pont de marbre taillé avec tout l’art et toute la délicatesse des dentelles et des perles conduisait à l’île de la Félicité, où fleurissait le jardin du Paradis.
Le dragon vert du Vent d’Est prit le prince dans ses pattes pour le faire passer, tandis que les fleurs et les feuilles entonnaient les plus belles chansons de son enfance. Le prince subjugué, se laissa bercé et s'endormit.
Si mon histoire n'est pas finie, il est quand même temps d'aller au lit.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes & tous !



 

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