RECUEIL "SENTIMENTS OCEANIQUES"
EN CAS DE GRAIN
J'avais un drôle d'idéal ; quasiment statufié,
pas mourant, non, plutôt marin de Misène,
du genre ennemi du béton sinistre. Ajourd'hui
glacé, transi, démarbré, gisant. Il dîne et dort en
prison dorée. Les méduses me l'ont volé pour en
faire de la charpie.
J'avais un jardin, un miroir, un serin, un ruisseau
à contempler l'univers, bref, les clefs de l'âme.
J'écrivais les jours fastes en lettres rouges.
Je me comptais grain de sable en chifres romains.
Hélas,
les guerres ont tout emporté et sur le fumier restant
un camp d'incultes fut bâti.
J'étais Pétrocorien citoyen de la Ville Eternelle.
J'étais parcelle souveraine des sept collines,
mais une peste diabolique "HUNE"
femelle de HUN m'a tout pris
pour tresser mes boyaux en guirlande
sur la piste du Colisée.
J'avais un âne, un de ces ânes que les fables
décrivent prétentieux.
Or les contrebandiers trafiquants d'ânes
me l'ont pris pour l'instituer
gardien du camp. Je n'ai plus de nouvelles
et c'est dommage. Je crois
qu'on lui donna mon nom.
J'étais inscrit dans l'Histoire au titre d'histrion.
J'avais en exil tantôt un ciel de Toscane
tantôt un ciel d'Aquitaine, un maître natif de Vinci,
une pièce de vie à jouer, mais le sort déguisé en cyclone
a tout effacé.
Il a fait de moi du vent
pour égayer les moulins à paroles
Enfin, ayant à choisir entre jouir et gouverner,
renonçant aux petits orgasmes, j'optais pour l'Utopie.
Je m'y réfugiais, élevant mes songes au carré
et quelques fantômes dans les prés communaux.
J'étais Janus, j'étais un dieu latent, latin,
j'avais deux visages. Un pour la paix un pour la guerre,
mais un instant assassin, jaloux de son cousin le sale Temps
a tout gommé pour ne laisser de mes rêves que du sable.
Du sable tout juste bon à dérégler la planète.
Tout compte fait, j'aurais préféré naître grain de sable
sous l'océan.
J'aurais vécu de préférence sous Oléron.
Ainsi vois-tu, fils de mon fils, TOI passager de l'univers,
lorsque le goût
du sable, de l'Antiquité et du rêve nous prends ;
ne résistons pas.
Sois petit grain comme je le fus
Ou ne sois rien
Jean-jacques Dallemand
MARINES POESIES EDITIONS
Misène.Colosséo
Copyrightjeanjacquesdallemand2009