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Blog créé le 26/08/2009

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Discours fondateur de Réception à l'Académie

 26/06/2020
SAMEDI 15 OCTOBRE 2016
Discours de réception à l'Académie des Sciences, des Beaux-Arts et Belles- Lettres du Périgord-Limousin
Séance inaugurale solennelle du samedi 15 Octobre 2016 à Périgueux.

Mesdames, Messieurs et chers amis,

                                    Science, art et religiosité, harmonie de la vérité, de la beauté, de la bonté sont les manifestations de la culture, telle est la définition du professeur Paul Diel, définition  que j'ai adoptée en 1977 lorsque j'entamais un second cycle d'études à Talence-Bordeaux. Dès lors, convaincu que le but de la vie n'est pas forcément le progrès civilisateur mais plutôt l'évolution culturelle parce qu'à cet âge-là, environ trente ans, bien qu'ayant exerçé depuis cinq années l'apostolat de directeur de maison des jeunes et de la culture en région parisienne , et probablement pour ce  motif, je compris enfin que la tâche évolutive est confiée, par le sens même de la vie à l'élan de chaque individu, pourvu que l'on s'interroge précisément sur ce qui constitue le sens, l'orientation et la force de la vie.
Mais pour acquérir cette méthode évolutive, encore ne suffit-il pas de l'apprendre ; ainsi  grâce à l'exemple de nos maîtres, encore faut-il  appliquer et vivre cette méthode.  Encore faut-il se débarrasser de toutes les fausses motivations, et  la vanité  parfois n'en est pas le moindre vice, si l'on veut déployer son élan vital et bannir toute intention impuissante , et surtout ne pas manquer à ses devoirs d'homme engagé volontaire dans le domaine de la création.  A vous, créateurs qui nous ont précédé, maîtres défunts, je vous salue, et je n'ai messieurs  en cet hommage que votre propre bien à vous retourner.

 Chers maîtres, de qui nous fûmes élèves, vous, capitaines de notre vocation, vous nous avez offert  le privilège de nous mettre en règle avec le sort, car ce choix entre la banalisation ou l'exercice de l'esprit  transforme l'idée que l'on se fait depuis le rivage.. Ne voyons pas l'art comme une réjouissance épileptique, solitaire, nombriliste,  mais plutôt comme un levier capable d'émouvoir tout un chacun.  L'art doit être partagé, et transmis s'il veut survivre,  survivre au moins avec ses pairs épris d'esthétique et de beauté...Ayant, chers défunts, votre esprit comme père et l'esthétique comme mère..voyez ! les grandes tempêtes nous ramènent au port.

 Gens de l'art, la royale vocation de l'artiste est de construire l'histoire de son pays. Tout faire, tout dire, et tout penser dit le grand Marc-Aurèle, exprimant par là qu'aucune loi n'interdit à chaque génération d' éviter que le monde de l'art ne se défasse, et  nous, si nous ne pouvons débarrasser le monde encombré de si toxiques épaves dans l'océan des intelligences,  engageons-nous au moins dans le corps de la noblesse des images et des lettres afin d'acquérir la foi par excellence, à défaut de devenir empereurs. Cette foi du cadet, du mousse, de l'apprenti qu'il convient d'appeler la fiducia, c'est la foi inébranlable en l'art  qui ne procure ni le luxe, ni le confort intellectuel, ni le repos des sens...ni la gloire dans la carrière.
Poussé chaque jour davantage à créer et recréer sans répit , afin sans doute de ne pas avoir honte de nous-mêmes, estimons-nous, simples passagers éphémères de cette planète. Un astre où semble-t-il régnent à foison les ennemis des arts , ceux que l'on reconnaît aisément à la façon dont ils font de grandes choses, à l'aide de grands volumes, de grande couleurs, sur de grands espaces, avec des grands budgets, tandis que d'autres se contentent de rendre hommage à la lignée des Rubens, des Cocteau, des Prévert, des Jean-Louis Barrault et des Madeleine Renaud.....Et c'est ici la différence entre ceux qui savent ce qu'ils doivent à leurs maîtres du goût et ceux qui prétendent devenir des maîtres sans avoir jamais travaillé autre matériau que leurs humeurs en guise de talent.

Mais qu'il nous soit permis de créer pour exister et non pour courir après la gloire, c'était aussi une pensée du grand Charles, le grand Charles Baudelaire, il fut, et il le demeure pour l'éternité, un artiste irremplaçable dans son siècle, dont la pensée et l'oeuvre sont celles d'un visionnaire, à la fois dans son présent de l'époque et tellement proche de nous.... Son oeuvre magistrale est à rapprocher de l'oeuvre d'un Pouchkine, voire d'un Nietzsche car Nietzsche fut aussi poète et pas n'importe quel poète, un poète dont certaines sentences fulgurantes s'inspirent à l'évidence des visions intuitives de Baudelaire. Bref, chers amis, ayant cité trois des douze piliers soutenant mon Panthéon, c'est bien volontiers les neuf autres qui au cours du prochain siècle vous seront livrés.....

En cette année 1962, en octobre 62 plus précisément, âgé de quinze ans, la rencontre avec le poète périgourdin Jacques Lafont propulsa sur la scène l'adolescent d'autrefois, l'incitant à pousser la porte des libraires,  le livre de poche valait à l'époque un franc, Pagnol, Maupassant, Pierre Benoît,  Michel de Saint-Pierre ..évoquerais-je aussi la revue "Historia" et les fameux articles tant attendus chaque semaine, signés André Castelot que je salue aujourd'hui, là où il se trouve, baignant à l'ancre, à l'encre violette comme il se doit.

Jacques Lafont, je vous remercie d'avoir été mon guide, merci à toi, poète, metteur en scène, inoubliable interprète de Scapin durant des années, merci à toi immense lettré, humoriste s'il en est ; indispensable humaniste à la mode de Montaigne. Jacques Lafont fut mon premier maître parce que son style de pensée noble et léger coulait dans l'art de la conversation sans poser le pied des mots sur la terre, y compris dans les phrases les plus communes. Il avait énoncé sa propre doctrine des humours et sa mélancolie bien à lui était le composé et l'essence de bien des choses touchant aux arts de la scène ; ayant en quelque sorte la conscience de soi qu'il rendit transmissible uniquement par la force de son exemple, il était tantôt un piéton souriant détaché des contingences habituelles, tantôt s'identifiant au Jacques le Fataliste du sieur Diderot.....et son humour impitoyable à l'emporte-pièce qui n'avait strictement rien de commun avec la tradition anglaise était en somme apte à provoquer un amusement paisible mais systématiquement  analytique. Foncièrement doté de ce vaste esprit analytique, fondation de son tempérament, sur lequel s'était  greffé un sens esthétique démesuré, alors, alors  hélas, il en mourut ....voici principalement les deux caractéristiques  essentielles du personnage qui me fit l'honneur de s'intérésser à mes rimes chétives de l'époque. A mon égard, il fut souvent narrateur et j'étais , sans le savoir, narrataire, c'est à dire à la fois personnage et destinataire de ses multiples courriers, textes et poèmes, notamment "Adieu Capitaine" mis en musique par Jean Nathy-Boyer.
 Il ne pratiquait pas l'humour, il était humour, vivant à la fois l'humour littéraire et l'humour vécu au quotidien. En résumé, il fut un homme d'esprit car il était esprit et surtout un bel esprit trop tôt disparu à l'âge de cinquante-quatre ans car il savait que les paradoxes du comédien rejoignent raremement les paradoxes de la vie. Et jusqu'à la folie du coeur, il assuma pleinement son paradoxe parce qu'il vécut dans un état permanent de révolte, ce que j'appelle aujourd'hui une révolte supérieure de l'esprit, une révolte qui ne fut ni banale, ni un effet de posture, ni posée pour la galerie, et encore moins morbide.  Jacques Lafont, ton humour, le tien,  avait un avenir car ton esprit élevait la nature humaine très au-dessus de son niveau de flottaison.  Il n'enseignait ni ne prêchait, disciple de jean Cocteau et d'Oscar Wilde l'Irlandais maudit,  il était Jacques Lafont ; voilà tout. Mesdames et  Messieurs,
Grâce aux soins éclairés de ceux qui nous ont précédés , des  Jacques Lafont, des Maurice Albe, des François Augiéras, des Jean-Louis Barrault, de sa muse, la divine Madeleine Renaud...
 Aujourd'hui, chers amis, me voici  tel un maillon de la longue chaîne du libre savoir transmis par ceux que nous admirons ; Jacques Lafont -décédé en 1986- fut un élève de Maurice Albe, tandis que Charles Baudelaire fut un disciple de Théophile Gautier et ainsi, de génération en génération devons-nous en hommage à nos aînés offrir à notre tour ce qui nous fut gracieusement accordé ; c'est-à-dire une place au sein de la folie de l'art. L'art, cette prison sans barreaux -dit Léo Ferré- dont on ne peut s'évader.
Au moment de notre histoire où Palmyre  -comme Carthage et Rome- furent détruits à cause de la lâcheté et de l'indolence, que serions-nous face à nos maîtres si nous n'offrions  à de futurs émules notre contribution à  l'esprit créatif ? Que serions-nous, humbles passants de l'univers sinon de mauvais élèves jaloux de nos petits privilèges d'esprit en constante ébullition ? Serait-il plus fructueuse initiative pour l'esprit que notre collective démarche en cette année 2016,  à  savoir, poser la première pierre de cette future académie des sciences, des beaux-arts et des belles-lettres ?

Si d'aventure sonnait le glas de la fin de l'Histoire, de fait la fin de la civilisation, et par voie de conséquence la fin de l'art, l'extinction de l'homme artiste, en somme ;  quelles imprécations surgiraient au sein de votre entourage ? Aucune probablement, puisque le chaos dû au totalitarisme des sectes multiples n'a d'autre finalité que couper les langues. La mission de l'artiste est une mission universelle chers amis ici présents. L'artiste est créateur d'idées, de monuments, de paysages, de nourriture saine, de médecine éthique. Il veille à la transmission du savoir et de la mémoire ; vous en témoignez aujourd'hui ;  et c'est pour cet ensemble de raisons impérieuses que nous avons souhaité  le plaisir de converser ensemble. L'artiste , mesdames messieurs, est un dragon destiné à cracher le feu de l'esprit, sa seule arme demeure la force tranchante de l'esprit, et non le fil de l'épée.

Celui qui travaille la terre promet de la joie à celui qui la dessine, celui qui guérit la souffrance donne l'espoir, c'est beaucoup de partage, partager l'espoir, la terre, la science, en un mot, partager la vie, la cordiale  et sacrée convivialité sans laquelle le pays Périgord-Limousin ne serait plus qu'une sinistre réserve d'incultes en lamentation aux pieds de leur histoire, de leurs domaines en friches et de leurs monuments en ruines. Notre conversation ne serait pas complète si je n'ajoutais :
 En de sinistres endroits infréquentables de modestes sujets porteurs de lunettes sont exécutés sans sommation, plus près encore, les gens d'art et de science, malheureux bouffons du tétrarque régnant offrent malgré eux leur crâne évidé comme le fit à la première scène de l'acte V, Hamlet à son fidèle Yorick, pauvre Yorick, pauvre bouffon sacrifié, qui pourtant ne portait pas de lunettes.....
Amis des sciences, des beaux-arts, des belles-lettres, amis de l'esprit français, amis de la France, France -mère des arts, des armes et des lois-  dixit notre cher du Bellay, amis ici réunis, je vous salue, messieurs, mesdames, amis de la future illustre Compagnie en Périgord-Limousin...Préparons-nous en accord avec la tradition : "Tout faire, tout dire, et tout penser".
Maîtres défunts, vous avez fait appel à moi, me voici !
 
Copyright Jean-jacquesDallemand
 
Samedi 15 Octobre 2016




 

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